Séance publique : Projet de la loi constitutionnel de protection de la Nation
Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016
vendredi 05 février 2016
Protection de la Nation
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation (nos 3381, 3451).
M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.
M. Yann Galut. On s’attend à un festival !
M. Jacques Myard. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues et néanmoins amis, après les terribles attentats du mois de novembre, le Président de la République, devant le Parlement réuni en Congrès, nous a annoncé les mesures relatives à la déclaration de l’état d’urgence et à la déchéance de nationalité. Ces annonces nous ont surpris, monsieur le Premier ministre : la Pentecôte, nous sommes-nous dit, a fini par descendre sur l’Élysée. (Sourires.)
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà une référence bien laïque ! (Sourires.)
M. Jacques Myard. Examinons cependant ces deux questions. J’ai voté la loi relative au prolongement de l’état d’urgence, et je voterai également la prochaine, car j’estime que la menace est toujours là, et qu’il serait irresponsable de ne pas prendre tous les moyens, même administratifs, pour y faire face. Quand j’entends certains gauchistes décadents (Rires), je me dis qu’il faut avoir une sacrée dose d’irresponsabilité pour ne pas regarder les réalités en face.
Doit-on pour autant inscrire l’état d’urgence dans la Constitution ? Le doute est permis, je le concède, même si Son Altesse Sérénissime Édouard Balladur (Rires) avait proposé de le faire. Je suis donc de ceux qui pensent que cette mesure ne mange pas de pain, et qu’elle confortera l’état d’urgence, même si l’économie générale de notre Constitution, avec le Président de la République, chef des armées, et vous-même, monsieur le Premier ministre, qui conduisez l’action du Gouvernement – lequel doit la sécurité à l’ensemble de nos concitoyens –, comporte tous les arguments pour le justifier.
M. Jean-Frédéric Poisson. Exact.
M. Jacques Myard. Quid de la déchéance de nationalité ? Rien de nouveau sous le soleil sur ce point, on l’a rappelé. La mesure fut inscrite dans plusieurs textes constitutionnels lors de la Révolution, et la Constitution républicaine n’a elle-même rien inventé : jadis, le bannissement perpétuel, hors du Royaume, en était l’équivalent, même si l’on ne parlait pas de « nationalité » pour les sujets – sans compter les sujets de mécontentement... (Sourires.)
Aujourd’hui, la déchéance de nationalité figure en deux endroits de notre droit, aux articles 23 et 25 du code civil. Il ne s’agirait, disent certains, que d’un symbole qui ne sert à rien. Mais il est des symboles qui portent en eux la conscience de la nation et scellent son unité. Un symbole de cette nature me semble avoir sa place dans la Constitution.
Les terroristes, Malek Boutih – que je salue – l’a dit avec force, se sont eux-mêmes mis hors la loi nationale. Il est légitime que l’on en tire les conséquences sur le plan juridique.
Ce texte serait-il par ailleurs inutile dans la lutte contre le terrorisme ?
M. Michel Pouzol. Oui !
M. Jacques Myard. Non, cher collègue, vous faites une confusion. Certes, la déchéance de nationalité visée à l’article 25 du code civil deviendra, avec le texte qui nous est soumis, une peine complémentaire : elle sera donc prononcée au terme d’un processus judiciaire qui peut être fort long. Dans ce cas, il est vrai, la mesure peut n’être guère dissuasive. Mais ce serait oublier l’article 23-8, qui permet la déchéance de nationalité par décret, après mise en demeure par le Gouvernement, de tout Français s’engageant, par exemple, dans une armée étrangère. Je suis de ceux qui pensent que l’inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution confortera cet article. Cependant, monsieur le Premier ministre, l’utiliserez-vous ? Toute la question est là ! On peut d’ores et déjà, sur le fondement de l’article 23-8, atteindre directement certains terroristes actuellement sur zone, engagés dans une quasi armée dirigée contre la nation : à ce titre, ils pourraient être déchus de leur nationalité. La mesure serait alors efficace, car elle permettrait d’atteindre directement des centaines de ces olibrius chez qui la barbarie tient lieu de conscience.
Nous devons penser à l’aspect juridique des choses. Mais la sécurité, c’est un peu comme l’amour : c’est une affaire d’expérience et de pratique. (Sourires.)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Ne disiez-vous pas que c’était plutôt affaire d’intuition ? (Sourires.)
M. Charles de La Verpillière. On a bien fait de venir ! (Sourires.)
M. Jacques Myard. De ce point de vue, monsieur le Premier ministre, je vous rappelle qu’une bonne politique étrangère, réaliste, loin des postures, tant au Proche et au Moyen Orient qu’à l’égard de la Russie, serait déjà un premier pas dans la lutte contre le terrorisme.
M. Jean-Frédéric Poisson. Ça, c’est vrai.
M. Jacques Myard. Ne nous trompons pas d’ennemi. Ce ne sont ni les Russes, ni le régime de Damas qui ont joué aux assassins au Bataclan, c’est l’État islamique. Nous n’avons qu’un seul ennemi, et nous devons en tirer toutes les conclusions qui s’imposent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
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