Pour votre information, l'intégralité du discours de Nicolas Sarkozy à la Porte de Versailles à Paris, vendredi 7 novembre 2014:
Mes Chers Amis,
Ceux qui se réjouissaient de voir notre famille se déchirer.
Ceux qui prédisaient que bientôt il n’y aurait plus rien entre le Parti Socialiste et le Front National.
Ceux-là en seront pour leurs frais.
Ils disaient que vous étiez découragés, que vous alliez partir et que vous ne reviendriez pas.
Ils ne connaissaient ni la force de votre engagement, ni votre tempérament, ni votre amour viscéral de la France.
A tous ceux-là qui prédisaient notre disparition, je leur demande de regarder Paris, ici, Porte de Versailles.
A-t-on jamais vu, vous et moi, la France dans cet état ?
Avons-nous jamais connu, vous et moi, une telle colère contre ce gouvernement en particulier et contre tous les pouvoirs en général, une telle perte de crédit de la politique ?
Avons-nous jamais connu un tel climat de défiance, de suspicion et de renoncement dans notre pays ?
Face à cette colère, la facilité serait de renoncer, de laisser la place aux démagogues.
Mais le fait est, que quelque chose nous pousse à emprunter le chemin difficile qui nous conduira à affronter les difficultés au lieu de rester les bras croisés devant la France qui sombre.
Je sais ce que vous avez dans le cœur.
Nous nous connaissons depuis si longtemps.
Nous avons partagé tant d’émotions, affronté tant de crises, surmonté tant de divisions.
Une fois encore, comme un éternel recommencement de l’Histoire, le sursaut viendra de vous.
Parce que nous ne voulons pas que nos enfants ou les enfants de nos enfants soient obligés un jour de s’en aller parce que nous n’aurions rien fait pour que le mot « France » reste pour eux synonyme d’avenir. Je ne peux pas accepter cela.
Face à ce gouvernement, il y a la colère de tous ceux qui n’en peuvent plus, de tous ceux qui travaillent dur et n’arrivent plus à mettre un sou de côté, de tous ceux qui entreprennent et auxquels on rend la vie impossible, de tous ceux qui se sentent dépossédés de leur vie, du fruit de leur travail, qui ont peur de perdre leur emploi, peur de tout perdre, peur aussi de se sentir un jour étrangers dans leur propre pays…Peur qu’on leur vole leurs repères. Peur de voir disparaître ce qui constitue leur identité intime.
Cette colère qui monte contre l’impôt, contre l’Etat, contre les élus, contre les autres, cette colère qui porte en elle les germes de la violence, du rejet, de l’exclusion, ne pas l’entendre serait irresponsable.
Il faut se souvenir où conduisirent les grandes colères de jadis qu’on se refusait à entendre jusqu’à ce qu’elles explosent dans une violence dévastatrice.
Il faut se souvenir de ce qu’engendrèrent dans le passé l’antiparlementarisme pour ne pas prendre la colère d’aujourd’hui à la légère. Je ne prends pas la colère de nos compatriotes à la légère.
Alors Honneur soit rendu à ceux qui continuent de se battre quand tant d’autres ont cessé de le faire.
Mais ce combat serait vain s’il n’était qu’un refus. Comment faire en sorte qu’il redonne un espoir aux Français ?
Nous ne pouvons pas répondre à cette question avec les réponses du passé : nous sommes au XXIe siècle, le monde change, la société change, les mentalités changent.
Nous ne pouvons pas, c’est ma certitude absolue, avoir les mêmes partis, avec les mêmes objectifs, le même fonctionnement que lors de la révolution industrielle, des trente glorieuses ou de la guerre froide.
Les partis où tout le monde pense la même chose, arc bouté sur les clivages d’il y a 50 ans où le sommet décide, où la base suit, c’est fini ! Ils sont morts et je ne conduirai pas ce type de parti.
Les partis qui confondent leur idéologie avec une religion, leur programme avec un catéchisme, c’est fini !
Au XXIe siècle, un parti politique n’est pas une caserne, encore moins une secte.
L’histoire a condamné ces partis qui portaient en eux les germes du totalitarisme.
Comme elle a condamné les partis qui ne sont que des syndicats d’élus, comme ceux qui, en 1944, répondaient au Général de Gaulle qui leur proposait de le rejoindre pour reconstruire la France : nous devons d’abord reconstruire notre parti !
Nous avons la responsabilité de conjurer les menaces qui pèsent sur notre Démocratie, en offrant aux Français – qui d’autre que nous le pourrait ? – la possibilité d’une alternative, puis d’une alternance au désastre actuel.
Devant nos défaillances, car il y en a eu, de nos déchirements d’hier, nous devons tirer la force de construire quelque chose de neuf, aussi éloigné de l’organisation repliée sur elle-même que du fonds de commerce servant sa clientèle.
Il faut courageusement tout remettre à plat pour être capable de nous réinventer.
A nous de rassembler, de surmonter les anciens clivages et de dessiner les nouveaux. A nous, comme le Général de Gaulle, d’appeler au rassemblement de tous les Français qui veulent « promouvoir et faire triompher par-dessus les différences des opinions le grand effort de salut commun et la réforme profonde de l’Etat ». C’était à Strasbourg en 1947, quand la France à nouveau allait mal.
Rassembler ? C’est ne pas refaire, le parti de la droite, ou le parti de la gauche ou le parti du centre. C’est ne pas refaire le parti d’une classe, le parti des ouvriers, ou le parti des fonctionnaires, ou le parti des riches, ou le parti des pauvres, ou le parti des gens instruits ou de ceux qui ne le sont pas, ou le parti de ceux qui habitent la campagne ou de ceux qui habitent dans les villes, le parti des retraités ou celui des actifs…
Rassembler ? C’est construire le parti de la France, dans lequel tous les Français, sans exception, quelles que soient leurs origines, leur histoire, quel que soit leur milieu social, pourra se reconnaître, pourra se sentir libre, pourra avoir la certitude qu’on l’écoute, qu’on le respecte, qu’il peut apporter sa contribution à l’œuvre commune.
Nous devons construire un mouvement politique qui sera un lieu où le monde de la culture rencontrera le monde de l’entreprise, où le monde juridique échangera avec le monde économique, où le fonctionnaire discutera avec le salarié du privé, où l’ouvrier parlera au patron, l’ingénieur à l’agriculteur, où tous les mondes se rencontreront, se parleront, échangeront, où l’on aura envie de venir pour découvrir, pour apprendre, pour partager, pour s’élever.
Un mouvement où l’on viendra non pour soi mais pour les autres.
Un mouvement capable aussi de parler à tous ceux qui rejettent la politique.
Un mouvement qui fondera sa cohésion, son unité, non sur la sanction disciplinaire, sur l’exclusion, sur l’excommunication, mais sur l’intelligence, l’ouverture d’esprit, la générosité, et sur cette forme de fraternité que l’on appelait le compagnonnage et qui, aussi longtemps qu’elle fut vivante, a permis au mouvement gaulliste de surmonter toutes ses divergences, bien des divisions plus douloureuses que celles d’aujourd’hui.
A tous les membres de notre famille politique, je veux dire que les partis politiques ne meurent jamais du trop-plein de débats, du trop-plein d’idées, du trop-plein de personnalités fortes.
Ils meurent du vide, ils meurent de l’ennui, ils meurent du silence pesant qui s’installe lorsque tous les débats sont étouffés, lorsque l’on pose un couvercle sur toutes les divergences au nom d’une unité qui n’est que de façade parce qu’à force d’éviter les sujets qui fâchent, on finit par n’avoir plus rien à dire à personne.
La politique a besoin de talents. Il faut que la politique aille vers eux, vers les entrepreneurs, les penseurs, les savants, les écrivains, les artistes, les sportifs. Au XVIIIe siècle, la politique se faisait avec les philosophes, au XIXe avec les poètes, au XXe, les Communistes ont eu Frédéric Joliot-Curie et Aragon. Les Gaullistes, Malraux, Claudel, Mauriac, les centristes Alain …
Je ne veux plus que l’on tienne à l’écart le monde de la recherche, le monde de la culture, le monde de l’art. Il nous est arrivé de ne pas les prendre au sérieux et même de les regarder comme des adversaires. Ce fut un appauvrissement. Quelle peut-être une politique qui ignorerait la science, l’art, la culture ?
J’ai connu aussi une époque où les chefs d’entreprise n’avaient pas droit de cité en politique, parce que les politiques et l’entreprise étaient deux mondes qui ne se parlaient plus.
J’ai connu une époque où l’on écartait les talents.
Quelle peut-être une politique qui a peur du talent et qui le rejette ?
Les talents, ils se heurtent.
Ils s’entrechoquent.
Le talent, c’est difficile à canaliser.
Mais le contraire du talent, c’est quoi sinon la médiocrité ?
Laissons s’épanouir les talents.
Nous y gagnerons tous un supplément d’inspiration et d’intelligence.
Ceux qui ne le veulent pas, ceux qui n’ont pas cette ouverture d’esprit qui permet de partager même avec ceux avec lesquels on est en désaccord, ceux pour lesquels le mot fraternité n’a plus de signification, ceux-là ne sont pas les bienvenus !
Mais, respecter nos différences, préférer le débat à la fausse unanimité, faire de la diversité de nos sensibilités une richesse, ce n’est pas organiser nos divisions en tendances, en courants, en chapelles, en allant de motions de synthèse en motions de synthèse, en reproduisant à l’intérieur de notre famille politique les marchandages, les combinaisons d’appareils, le clientélisme du régime des partis et dont le parti socialiste et la majorité actuelle nous donnent tous les jours le pitoyable spectacle ? Je ne veux pas de ça pour notre famille politique !
Pas de courants, pas de tendances, pas d’écuries ! Mais, une famille, où tout le monde n’est pas toujours d’accord mais où l’on se respecte, où chacun est capable de faire un pas vers l’autre, où l’envie de rester ensemble est plus forte que les divergences. Voilà mon ambition première.
Croire que cela sera sans nuage, ce serait nous préparer bien des déconvenues : la politique est humaine et, dans tout ce qui est humain, il y a du sentiment et de la passion.
Il y aura des débats, des confrontations d’idées et puis, vous voterez. Comme vous voterez lors des primaires pour choisir entre plusieurs candidats pour l’élection présidentielle. Le vote doit être la voie naturelle pour trancher nos débats et cimenter notre unité. Le vote doit être notre règle absolu de fonctionnement.
J’ai beaucoup réfléchi à la crise de confiance qui atteint toutes nos institutions et en premier lieu les partis politiques.
Pour qu’une institution soit respectée, il faut que chacun de ceux qui la servent s’efforce de la rendre respectable.
Et la principale vertu qui rend respectable, c’est le refus obstiné du mensonge, c’est le courage de l’honnêteté intellectuelle, de l’honnêteté des sentiments.
L’honnêteté à la place du mensonge, à la place de la langue de bois qui est la forme achevée du mépris et de la lâcheté.
L’honnêteté à la place de cet excès d’habileté qui, en politique, est l’une des formes du cynisme.
L’honnêteté qui reconnait l’erreur, qui reconnait l’échec, qui reconnait les défaillances, et qui les assume.
L’homme politique ne sait pas tout, n’a pas réponse à tout, ne peut pas tout.
Comment gagner la confiance de ses concitoyens si l’on n’est pas capable de dire « je me suis trompé » ?
La vertu cardinale de la grande formation que nous allons créer devra être le refus du mensonge, parce que c’est la seule attitude qui puisse réconcilier les Français avec la politique.
A tous ceux qui voudront nous rejoindre, je veux dire qu’ils pourront discuter de tout, débattre de tout, mais qu’il y a des valeurs sur lesquelles notre famille politique ne transigera pas parce que ce sont les valeurs d’une forme de civilisation à laquelle nous sommes profondément attachés et que nous voulons préserver.
Nous ne transigerons pas sur nos héritages qui ont façonné l’identité de la France. La France a une identité qui lui est propre, nous n’avons nullement l’intention de demander l’autorisation d’en parler !
Nous ne transigerons pas sur l’héritage de la Chrétienté et sur celui des Lumières qui sont des faits majeurs de notre civilisation.
Nous ne transigerons pas sur l’universalisme qui est un impératif moral et politique forgé par 2000 ans d’Histoire.
Jamais je n’ai trouvé meilleure définition de ce qu’est un Français que celle d’un de nos plus grands historiens du siècle dernier, Lucien Febvre, « c’est l’artisan laborieux d’un perpétuel travail de remaniement, d’adaptation, de synthèse – qui, d’une somme disparate d’individus de provenance diverse, d’une masse hétéroclite de produits importés, de techniques apprises d’autrui, d’habitudes contractées une fois pour toutes, mais aussi d’idées et de croyances venues du bout du monde, réussit à forger une unité perpétuellement changeante, mais toujours marquée d’une marque connue. Une marque telle qu’en regardant les créations successives qu’elle estampille, personne ne s’y trompe : elles sont françaises. Et cela, vraiment, est un grand miracle. »
Nous voulons continuer ce miracle français.
Le repli de la France sur elle-même détruirait le miracle français.
C’est pourquoi nous ne transigerons pas avec l’ouverture de la France au monde, même si la France a, comme toutes les civilisations, le droit de se protéger contre l’aplatissement du monde, contre les concurrences déloyales, même si elle a le droit comme tous les peuples, de choisir qui elle veut accueillir et qui elle ne veut pas recevoir sur son territoire et dans quelles conditions. C’est un choix, ce n’est pas un droit.
Nous ne transigerons pas avec l’humanisme qui fonde notre idée de l’Homme, de sa dignité, de sa liberté.
Nous ne transigerons pas avec l’humanisme parce que ce serait compter pour rien les flots de sang et de haine que la barbarie a fait couler sur notre continent au siècle passé.
Ceux qui pensent que les fins justifient tous les moyens, ceux qui pensent qu’une vie ne vaut pas autant qu’une autre vie même quand le monde compte 7 milliards d’habitants, ceux-là ne sont pas des humanistes et nous n’avons rien de commun avec eux !
Nous voulons continuer le miracle de la République, une et indivisible.
Ce miracle qui vient de si loin dans notre histoire.
Rome a donné le citoyen. Les Capétiens, l’Etat. Les soldats de l’An II, la Nation. La IIIème République, l’école. La Résistance, le programme du Conseil National de la Résistance et la sécurité sociale. La Vème République, la fin du régime d’Assemblée, l’élection du Président au suffrage universel, les moyens pour l’Etat de dominer les féodalités de toutes sortes.
La République !
C’est à vrai dire la grande question politique d’aujourd’hui.
On la croyait réglée depuis longtemps, comme si en France, la République allait de soi. Comme si l’Histoire avait rendu ces deux grands mots, France et République, inséparables pour l’éternité.
A vrai dire, cela fait longtemps que la République s’affaisse.
Mais le mal cheminait à petits pas. On voyait bien, ici ou là, les choses se défaire, les principes s’effriter. Mais, on pensait que que c’était marginal.
Ceux qui alertaient sur les dangers qui menaçaient tout l’édifice étaient mis à l’index. Ils exagéraient. La République, disait-on, n’était pas menacée.
Tout le monde en France était républicain. Où était le problème ?
Et puis brusquement le problème apparait au grand jour : les mille petites fêlures se rejoignent pour former une grande fracture.
D’un seul coup l’ampleur des dégâts se révèle aux yeux de tous.
Le nouveau clivage politique est là : liquider le modèle républicain ou le reconstruire ?
Hier, le principal clivage c’était la Démocratie.
Il y avait d’un côté les démocrates et de l’autre ceux qui dénonçaient la Démocratie au prétexte qu’elle était bourgeoise.
Il y avait les partis démocratiques et les partis révolutionnaires, ceux qui ne croyaient qu’aux élections et ceux qui ne croyaient qu’aux luttes sociales.
Ce fut la vraie ligne de partage tout au long du XXe siècle.
Depuis l’effondrement du mur de Berlin et la faillite communiste, tout le monde a fini, par devenir démocrate.
La Démocratie, c’est le multipartisme, les élections libres, la liberté d’expression, les droits de l’Homme. C’est fondamental mais la République, c’est autre chose.
En 58, le Général de Gaulle disait « nous voulons la Démocratie et la République ».
C’était la République au sens où on l’entend en France qui ne se confond pas avec la Démocratie. Nous devons faire de notre mouvement le sursaut contre tout ce qui menace la République.
Le clivage principal c’est l’opposition, non plus des démocrates et des antidémocrates, mais de ceux qui veulent la Démocratie sans la République et de ceux qui, comme nous, veulent la Démocratie et la République.
La Démocratie, ce sont les libertés politiques.
La République, c’est une morale de l’homme et du citoyen.
La Démocratie peut être compatible avec le communautarisme. La République non !
La République ne reconnait aucune communauté, ni aucune minorité parce que la République ne reconnait que des citoyens égaux en droits et en devoirs. Dans la République, il n’y a qu’une seule communauté qui vaille, c’est la communauté nationale.
La Démocratie est divisible.
La République est indivisible. La multiplication des comportements communautaires est contraire à l’idéal républicain. Ils doivent être proscrits et combattus.
La Démocratie tolère les pouvoirs qui se surveillent, qui se méfient les uns des autres, qui s’affrontent, qui parfois se combattent.
La République non !
Dans la République, il y a un équilibre des pouvoirs. Il n’y a pas de concurrence des pouvoirs. La Justice ne fait pas la guerre au pouvoir politique. Le pouvoir politique ne fait pas la guerre à l’autorité judiciaire. Le pouvoir législatif n’est pas en guerre contre le pouvoir exécutif.
Dans la République, tous les pouvoirs sont tendus vers le même but, poursuivent le même idéal, partagent les mêmes vertus civiques.
C’est peu dire que nous en sommes loin aujourd’hui.
La Démocratie peut accepter de donner beaucoup de pouvoir aux corps intermédiaires. La République croit que le peuple est l’arbitre ultime. Je veux dire combien l’emprise de certains corps intermédiaires qui préfèrent la défense de leurs intérêts corporatistes à la modernisation du pays et devenu un problème. L’immobilisme Français n’est pas celui du peuple, il est celui de ces corps intermédiaires, et, de certaines de nos élites.
La République, c’est la souveraineté du peuple.
Dans la République, le peuple garde le droit de parler pour lui-même, de décider pour lui-même, sans intermédiaire.
L’élection du Président de la République au suffrage universel direct, c’est la République !
La possibilité pour le peuple de trancher par le referendum, c’est la République !
Et quand on délaisse la pratique référendaire, on abandonne une partie de l’esprit républicain.
La Démocratie n’appelle aucune neutralité religieuse. La République si ! Parce que la République est laïque et nous voulons qu’elle le reste. Parce que la République, c’est la neutralité de l’espace public et de nos institutions publiques.
La laïcité est un principe de respect de toutes les croyances. Elle est la condition de la liberté de conscience de chacun dans un pays qui a connu tant de guerres de religions.
La République, c’est le rejet de tous les fanatismes et de tous les intégrismes. Je dénonce le manque de fermeté républicaine auquel nous assistons aujourd’hui.
La Démocratie peut accepter la Burka. La République non !
Parce que la République est un régime d’émancipation, parce que la Burka est un signe d’asservissement de la femme. Je conteste la décision récente du ministre de l’Education Nationale d’autoriser les femmes voilées à accompagner les sorties scolaires au nom de l’idéal républicain français.
La République se méfie de la religion de la transparence absolue !
Parce que la transparence absolue efface la frontière entre l’espace public et la vie privée, détruit l’intimité, incite à la délation, flatte les plus bas instincts de l’envie, de la jalousie, dresse les citoyens les uns contre les autres. Je veux rappeler notamment que la sexualité est un sujet d’ordre privé et que nous n’en pouvons plus de le voir évoquer à tout bout de champs sur la place publique.
La République protège, les petits et les grands secrets de chacun parce qu’elle protège au nom d’une certaine idée de l’Homme qui reconnait à chacun le droit d’avoir ses jardins secrets et de ne pas étaler toute sa vie au grand jour.
La transparence absolue est totalitaire et elle emportera la Démocratie avec la République. Ce serait faire preuve d’une grande lâcheté que de ne pas oser défendre cette idée qui est une idée juste et parfaitement républicaine.
La Démocratie peut se contenter de l’intégration.
La République non !
La République réclame davantage. Elle réclame l’assimilation qui donne en partage une culture et une histoire communes. On a fait croire à trop d’étrangers qu’ils pouvaient devenir juridiquement français et rester exactement ce qu’ils étaient auparavant. C’est un mensonge ! Pour devenir un citoyen français, il faut adopter le mode de vie français, accepter les règles républicaines françaises et épouser la langue et la culture françaises. Dire cela, ce n’est exclure personne. C’est se donner la chance de réussir l’accueil de ceux qui vont nous rejoindre au lieu d’assister impuissants au dramatique échec de l’intégration d’aujourd’hui.
La Démocratie est indifférente à la manière dont on devient Français, comme elle est indifférente aux modalités du regroupement familial. La République non ! Parce que la République, c’est l’autre nom, qu’en France, on donne à la Nation.
Dans la République on ne devient pas Français par hasard ou n’importe comment.
La Démocratie n’est pas concernée par l’effort et le mérite. La République si ! Parce que la République veut que l’effort et le mérite soient au cœur de toute récompense.
La République est incompatible avec l’assistanat.
Parce que dans la République, chacun doit participer à l’effort de tous. Parce que dans la République chacun doit donner quelque chose de lui-même qu’il ne peut plus y avoir d’allocations sans contrepartie ! Un citoyen reçoit. Mais un citoyen donne, sinon il n’est pas tout à fait un citoyen.
La Démocratie ne s’occupe pas de la manière dont les gens sont soignés, la République si !
Parce que la République c’est l’égalité d’accès aux soins. Dans la République française, on ne refuse pas de soigner quelqu’un parce qu’il est pauvre. On ne demande pas son numéro de carte de crédit avant de l’opérer.
La République n’est pas compatible avec n’importe quel système fiscal.
Parce que la République a quelque chose à dire sur la justice fiscale et sur la justice sociale. Parce que la République c’est l’égalité devant les charges publiques. Cette égalité que l’on voit tous les jours rompue par une débauche de créativité fiscale dont chacun se demande si elle rencontrera un jour une limite !
La République ne s’accorde pas avec la mise sous condition de ressources de toutes les prestations sociales, la suppression du quotient familial, la modulation des allocations familiales en fonction des revenus. La République ne veut pas que l’on fasse payer l’école même à ceux qui le pourraient ou à ce que l’on module les remboursements des soins par l’assurance maladie en fonction des revenus. La mise sous conditions de ressources de toutes les prestations sociales, la modulation des remboursements des soins sur le revenu ou la fin de l’école gratuite, ce n’est plus la République.
La République défend l’autorité de l’Etat, car, si l’étatisme et la bureaucratie menacent la République, la contestation de l’autorité de l’Etat par une coalition de communautés, de minorités agissantes, de féodalités, et de groupuscules violents est une plus grande menace encore pour la République.
La République est aussi un régime d’autorité. Sans autorité, il n’y a plus de République. La République doit soutenir les forces de l’ordre quand elles sont attaquées. La République ne peut accepter les territoires interdits et les voyous qui se croient tout permis. Cet affaiblissement de l’autorité qui se ressent dans tous les domaines, met gravement en danger l’unité de la Nation.
La République est un régime d’exigence. L’école de la République est une école de l’exigence. L’égalitarisme, le nivellement, le refus de la reconnaissance du mérite, le refus des classements, le refus des notes sont le contraire de l’idéal républicain.
La République, c’est l’égalité des droits garantie par les devoirs de chacun.
La République, c’est la foi dans la science et le progrès !
La République, c’est le respect de la propriété parce que la propriété c’est la liberté. La propriété, ce n’est pas du vol mais la reconnaissance d’une vie de labeur et, la possibilité de s’élever au-dessus de sa condition initiale.
La République, c’est notre idée de la France.
Ceux qui n’aiment pas la France, ceux qui n’éprouvent pas la fierté d’être Français, d’appartenir à un grand peuple, qui a une grande culture et une grande Histoire, ceux qui ne veulent pas partager cette culture et cette Histoire et qui attisent la guerre des mémoires, ceux-là abiment la République !
La République, c’est l’indépendance nationale et la souveraineté du peuple. Dans le monde tel qu’il est, la souveraineté ne s’exerce pas seule mais avec les autres.
Mais si nous voulons l’Europe pour être plus forts ensemble face aux géants qui émergent dans le monde, nous ne voulons pas d’une Europe qui nous obligerait à renoncer à la République au nom de la Démocratie.
Nous voulons une Europe qui exerce moins de compétences et où les grands Etats prendront leurs responsabilités parce que le leadership n’est pas un droit, il est un devoir. Nous voulons un gouvernement de la Zone Euro où la France et l’Allemagne travaillent la main dans la main parce que la Paix et la prospérité de l’Europe en dépendent. Parce que l’Histoire nous a appris ce qui pouvait arriver lorsque la France et l’Allemagne divergeaient.
Mais nous ne voulons pas que la France se dissolve dans une Europe des régions qui serait un retour à l’Europe du Moyen-âge avant que n’existât la République.
La décentralisation est une avancée de la Démocratie. Mais, le retour des principautés, le chacun pour soi et l’éclatement de la France serait un recul de la République.
Nous voulons la libre concurrence mais nous ne voulons pas qu’elle soit comprise comme une faiblesse qui mettrait nos entreprises et nos travailleurs à la merci de tous les prédateurs du monde, parce que la République, c’est le refus de la prédation et la reconnaissance des frontières.
Nous voulons la libre circulation, mais nous ne la voulons pas sans condition et sans limite. Parce que la libre circulation sans condition et sans limite détruit, petit à petit, la citoyenneté et en fin de compte détruit la solidarité Républicaine.
Nous voulons que l’Europe pèse sur les destinées du monde, mais nous voulons que demeure le miracle du rôle singulier de la France dans le monde.
Nous ne voulons pas d’une Europe qui chercherait à se construire et à régler ses rapports avec le monde sur la table rase des identités, des histoires, des cultures et de la géographie.
Dans ce qui est constitutif de la singularité de la France dans le monde, il y a la langue française si malmenée, que le Gouvernement français ne prend plus la peine de défendre dans les enceintes diplomatiques.
La langue française, c’est la langue de notre culture, de notre pensée, de notre liberté, de notre universalité. C’est la langue de notre République. Ne pas la défendre, ne pas la promouvoir à travers la création, à travers les lycées français à l’étranger, à travers l’action culturelle extérieure, à travers tout ce qui participe à la présence de la France sur la scène du monde, et en France même, dans nos écoles, dans nos universités, c’est un reniement. Qui a jamais trouvé le chemin du succès dans le reniement ?
La façon dont on traite le budget de la culture aujourd’hui est une honte et une faute. Notre culture est une partie de la réponse à la crise. Notre patrimoine est une partie de la réponse à la crise. Nos auteurs, nos artistes, nos créateurs, nos cinéastes incarnent une France qui ne veut pas mourir parce qu’elle a encore tant de choses à dire, à créer, à inventer.
Les partisans du reniement obsédés par toutes les repentances, désireux d’en finir avec l’Etat, la Nation et la République, qui les trouvent dépassés, comme ils trouvent dépassées la langue française et la culture française et sans doute aussi dépassées ces formes de civilité, de politesse, de courtoisie à travers lesquelles se révèlent la vraie nature des civilisations, ceux-là n’ont pas leur place parmi nous. Ils sont responsables de cet air du temps qui est la cause du malaise de notre société.
C’est aux Républicains que nous voulons parler.
A ceux qui aiment la République et qui la sentent menacée.
A ceux qui n’imaginent pas la France sans la République, sans les valeurs de la République, sans le modèle républicain qui donne sa chance à chacun, quels que soient son milieu, ses origines, son histoire personnelle, le lieu où il habite.
Nous voulons parler à tous ceux pour lesquels le mot République signifie le refus de la mise en scène de l’impuissance de la politique telle que les Français l’ont vue hier soir à la télévision.
Nous voulons la République et la Démocratie parce que, pour nous, elles sont complémentaires et indissociables.
Est-ce à dire que rien ne doit changer ou qu’il faut revenir en arrière ?
Bien sûr que non. Notre République ne pourra plus être celle de Jules Ferry, de Jean Moulin ou du Général de gaulle.
C’est la tâche qui nous attend : donner aux valeurs et aux principes républicains une expression nouvelle. Sur le socle à partir duquel la République a pris son élan, édifier une République neuve en gardant les yeux grands ouverts sur le monde tel qu’il est.
Parce que nous ne pouvons pas déterminer notre politique, décider de nos impôts, élaborer nos lois sans tenir compte de ce que font les autres. Je veux en finir avec un débat politique français si excessivement hexagonal.
Refaire une famille autour de l’idée de République, rassembler les républicains que nous sommes, reconstruire une formation politique à l’image de la République où l’on ne découpe pas la société en tranches, en classes, en communautés, et pas davantage un parti en une mosaïque de tribus ennemies les unes des autres, ce ne sera pas simple, dans une époque où l’addition des crises et des malaises a radicalisé les positions et durci les antagonismes.
Peut-être serait-il plus facile de lancer dès à présent la campagne des présidentielles, et d’ouvrir les primaires en sautant l’étape de la reconstruction d’une grande formation politique républicaine. Ce serait se résigner à bâtir sur un champ de ruines, car c’est l’issue fatale à laquelle serait condamnée notre famille politique déchirée par des ambitions contradictoires. Mais qui peut croire que nous ne le payerions pas un jour ? Quel enthousiasme pour les campagnes à venir pourrait bien naître de toutes les déceptions et les rancœurs que nourrirait un tel abandon ?
A ceux qui ce soir attendraient que je dévoile mes intentions pour l’élection présidentielle de 2017, je veux dire : chaque chose en son temps. Pour notre famille politique, une histoire s’achève, une autre commence. Prenons le temps de l’écrire.
D’abord faire émerger la grande force républicaine qui soit capable d’opposer un refus déterminé aux dérives qui entrainent notre pays vers quelque chose qui ne lui ressemble pas.
Ensuite trancher ensemble les grandes questions laissées depuis trop longtemps en suspens. Je veux parler de ce que nous voulons faire de notre pacte national et de notre pacte social. Quand la mondialisation bouleverse tout et quand le chômage ravage nos territoires et mine nos comptes publics.
C’est sur ce projet commun que nous opérerons le plus large rassemblement. Personne n’y parviendra sans le concours de tous.
Dans la politique que nous allons bâtir ensemble, chacun saura qu’il est plus intelligent avec les autres que tout seul.
La grande formation politique moderne que nous allons faire émerger ne sera pas qu’une grande force d’opposition. Elle sera une grande force de propositions, d’imagination face à la grande mutation du monde, à toutes les crises qu’elle engendre et à toutes les chances qu’elle offre aux audacieux.
Elle sera la fabrique d’idées neuves dont notre République a besoin.
Et vous verrez qu’ensemble, nous réussirons de grandes choses.
Ensemble nous dessinerons les voies par lesquelles la France retrouvera sa grandeur.
Vous serez au cœur de ce nouveau grand projet politique. Vous en serez le moteur et la première expression. C’est pour cela que je suis candidat à la présidence de notre famille politique. Plus le mandat que vous me donnerez sera clair, plus vite nous remettrons notre famille en ordre de marche.
La République nous appelle, chacun a appris à l’école à reconnaître ses héros et ses visages :
Les soldats de l’An II et les Hussards noirs.
Lamartine et Victor Hugo
Les tranchées, la France libre et les maquis
Gambetta, Clémenceau et le Général de Gaulle
Jean Moulin
Ils nous ont fait ce que nous sommes. Nous voulons transmettre cet héritage à nos enfants.
La République a mille visages mais elle n’a qu’une seule âme et une seule pensée à jamais tournées vers la justice et le progrès humain. Au fond, c’est elle qui nous confère une mission dans le monde.
La République, c’est la démocratie à la Française.
La France, fille aînée de la République,
La France, disait Clemenceau, hier soldat de Dieu, aujourd’hui soldat de l’humanité, toujours soldat de l’Idéal.
Voilà notre France, la vraie France, celle que nous ne voulons pas laisser mourir.
Ce n’est pas pour nous, ce n’est pas pour un parti,
C’est pour elle que nous allons nous battre.
Vive la République
Nicolas Sarkozy
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