Voter pour dire non au compromis
Judaïsme, symbolisme et Histoire sont intimement mêlés. Après, tout dépend de la lecture qu'on en fait.
Celle qui me passionne particulièrement est l'interprétation de la période allant de Pessah à Yom Haatsmaout, qui, même si elle n'est pas une fête au sens religieux, n'en est pas moins un jour capital dans l'histoire moderne du Peuple juif sur sa Terre retrouvée.
Quelques jours à peine après avoir célébré Pessah qui rappelle notre décision de nous libérer du joug égyptien, voilà que nous commémorons le Yom HaShoah qu'on peut certainement comparer à l'aboutissement de notre errance. La Shoah m'apparaît être la conséquence de ce compromis que fut et qu'est encore malheureusement aujourd'hui la vie des Juifs vivant en Diaspora.
Car comment concilier pleinement, totalement, sans aucune crainte, un judaïsme assumé dans un pays étranger quel qu'il soit ?
Et par judaïsme assumé, j'inclus non seulement les Juifs pratiquants, mais aussi toute personne revendiquant ouvertement, ou plutôt ne cachant pas son statut de Juif.
Cette situation implique naturellement le compromis, et parfois même la compromission.
Un seul exemple, tout frais et très révélateur, car il s'est déroulé à la veille de Yom HaShoah. Le livre "Mein Kampf "est désormais en libre-service en Suisse. La Coordination Intercommunautaire contre l'Antisémitisme et la Diffamation (CICAD), créée en 1990 à l'initiative des communautés juives de Genève et Lausanne, a bien entendu protesté.
La CICAD n'a pas exigé l'interdiction de la vente de ce "torchon" écrit par Hitler, mais elle a demandé "la soumission de "3 mesures d'accompagnement aux libraires qui désirent diffuser cet "ouvrage" :
ajouter une signalétique indiquant que le contenu de l’ouvrage incite à la haine, au crime et à la discrimination raciale.
Indiquer une limite d’âge sur chaque exemplaire et contrôler l’âge des jeunes acquéreurs.
Remettre systématiquement à chaque acquéreur un exemplaire de la brochure "Auschwitz", éditée par la CICAD".
En Diaspora, alors que les derniers témoins du plus grand malheur de notre Peuple ne seront bientôt plus parmi nous, des organisations juives acceptent la parité entre le bourreau et la victime. En Suisse, avec la complicité d'une association juive, par conséquent en toute bonne conscience, on pourra dorénavant acheter "Mein Kampf" et on recevra en prime le livre "Auschwitz"!!!
Mais après l'errance, dans tous les sens du terme, comme on vient de le voir, il y a la fin du compromis, c'est-à-dire le retour sur la Terre d'Eretz-Israël. C'est exactement ce que représente pour moi le Yom Haatsmaout.
Nous fêtons l'Indépendance de notre pays, mais plus encore de notre Peuple. Nous célébrons la libération de la prison mentale dans laquelle nous étions incarcérés.
La fête de l'Indépendance, c'est la prise en main de notre destin. Le chef d'état-major de Tsahal, Benny Gantz, l'a très bien exprimé, il y a quelques jours à Yad Vashem : "Nous avons la capacité et le devoir de combattre avec détermination l'antisémitisme, y-compris les nouvelles formes qu'il peut prendre. Nous devons assurer la pérennité de l'Etat d'Israël comme refuge pour les Juifs du monde entier, un refuge où tout notre Peuple peut vivre sans crainte. Un foyer national sûr, défendu par son armée et capable de faire face à tous les conflits".
Benny Gantz n'est autre que le représentant parfait du Juif qui dit tout simplement : "Non au compromis", l'homo israelus, en quelque sorte.
Le message du Yom Haatsmaout, ce n'est pas seulement l'Hatikva (l'espoir), c'est la concrétisation du sionisme qui ne permettra plus qu'un Juif soit ostracisé, maltraité, brutalisé, assassiné uniquement parce qu'il est juif, c'est l'engagement, je dirais même le serment d'allégeance à l'Etat d'Israël qui châtiera d'une manière ou d'une autre tous les auteurs de ces actes.
Mais il ne pourrait y avoir de Yom Haatsmaout, donc d'Etat d'Israël, sans les 22.993 héros qui ont donné leur vie pour le Peuple juif et la création de l'Etat. On ne les oubliera jamais, car eux non plus n'ont pas accepté le compromis.
C'est ce que devront avoir en tête les électeurs juifs français qui iront voter pour le deuxième tour de l'élection présidentielle. Bien sûr, on peut se décider en fonction d'intérêts économiques et d'autres critères purement locaux, mais ce n'est que du corporatisme étriqué à côté du véritable enjeu lorsqu'on est juif.
Et cela se définit par une question très symbolique issue des ghettos : "c'est bon pour nous?".
Car ce qui compte, ce qui prime au-dessus de tout, c'est de savoir qui sera, non pas le meilleur, mais le moins mauvais pour Israël. Que les Juifs de France n'aient aucun doute, le candidat le plus proche d'Israël sera également le meilleur président pour la Communauté.
Les destins d'Israël et des Juifs de France sont liés, on l'a bien vu à Toulouse il y a un peu plus d'un mois. Il me semble qu'il n'y a aucun dilemme. Nicolas Sarkozy, même s'il n'est pas exempt de critiques, a été le meilleur président possible pour l'Etat d'Israël et la communauté juive. Ceux qui ne sont pas d'accord avec moi voudraient tout simplement exiger du chef de l'Etat français qu'il épouse les idées sionistes d'Israël. Ce n'est pas possible, il y a des situations où les intérêts divergent parfois, la France, et c'est tout à fait normal, a ses priorités et Israël en a d'autres.
Mais ce que je sais, c'est que François Hollande, un homme foncièrement honnête, sympathique, avec des a priori favorables à l'égard d'Israël et proche de la communauté juive, devra s'accommoder, s'il est élu, d'alliés à sa gauche et même au sein de son parti qui n'ont pas les mêmes dispositions positives (c'est un euphémisme…) à l'égard d'Israël et des Juifs de France.
Bien voter, c'est encore possible, chaque voix comptera au vu des résultats du 1er tour. Bien voter le 6 mai sera pour les Juifs de France une occasion de dire eux-aussi : "non au compromis" et ainsi de ne pas trahir la mémoire de ceux qui sont tombés pour que vive un Etat juif en Israël.
Rédigé par : |