Régionales : funestes triangulaires
Abstention et triangulaires sont les deux boucs émissaires de la contre-performance de l’UMP aux élections régionales.
Ce scrutin ne sera une défaite que si la majorité ne parvient pas à en tirer les leçons. Après le premier tour, s’élevaient les lamentations sur ces deux fléaux traditionnels de la droite. Les concurrents n’étaient pas mieux lotis, leur pensée caduque les enfermant dans des logiques partisanes. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les marchandages d’arrière-cuisine sont allés bon train. Le pitoyable spectacle des écologistes, peu soucieux de leurs renoncements sur les programmes mais très préoccupés de leurs “avantages en nature”– une vice-présidence ici, une voiture avec chauffeur là… –, en est un exemple navrant. Les candidats malheureux mettent la faible participation sur le compte de la complexité du scrutin ou de l’incompréhension face aux enjeux. À mes yeux, les causes principales sont le mécontentement et la désillusion. Pourquoi nos concitoyens sont-ils dépités, tant par la majorité que par l’opposition ? Parce qu’ils ont le sentiment de ne pas avoir été entendus lorsqu’ils réclamaient en 2007 un changement profond de politique et de méthode en portant Nicolas Sarkozy à la présidence.
Contrairement aux lois de la perspective, en politique l’image grandit en s’éloignant. Il est indispensable de prendre un peu de recul et de faire la mise au point. Les retraites, la justice, l’Université, le Parlement ont été modernisés en moins de trois ans, pour ne citer que de grands thèmes généraux. Certes, la crise a un peu amoindri la portée de notre action. Mais nous avons su y répondre par des mesures exceptionnelles. Si notre peuple peine à engager sans heurts les réformes de longue haleine, les Français ont une capacité de rebond à nulle autre pareille.
Il doit en être de même face à l’abstention. Puisque nous n’avons pas voulu faire, peu à peu, les efforts de pédagogie en faveur de notre politique, surtout lorsqu’elle est allée à l’encontre des idées reçues et du sectarisme, il nous incombe d’être réactifs et de répondre au mécontentement des Français, qu’ils soient nos électeurs ou non.
Pour cela, il est primordial de revoir notre mode de scrutin, car les partis de gouvernement sont désormais pieds et poings liés, pris en tenaille par les triangulaires. À gauche comme à droite, le chantage sévit. Tractations et surenchères n’aboutissent qu’à des compromis de circonstance ou des alliances contre nature. L’émiettement du scrutin et les triangulaires font perdre les candidats ayant une vocation légitime à gouverner. Il ne faut pas se laisser berner : les formations politiciennes qui provoquent les triangulaires n’ont aucune vocation à prendre les rênes, et leurs dirigeants ne souhaitent en aucune manière avoir des responsabilités. Ces artisans de la défaite sont des professionnels de la contestation. L’opposition est leur éternel fonds de commerce. Pendant ce temps, les élus locaux et les parlementaires doivent choisir pour l’avenir et résoudre des problèmes concrets.
Sortir de l’impasse n’est pas si difficile. Il est nécessaire d’offrir une prime majoritaire ne permettant qu’aux deux listes arrivées en tête du premier tour de se maintenir pour le second. Ainsi, les jeux seront-ils clairs. “Au premier tour on sélectionne, au deuxième on choisit”, dit l’adage. Ainsi résoudrons-nous une grande partie de ce paradoxe français: le désir de faire monter aux oreilles des gouvernants les états d’âme, et, dans un même temps, l’exigence de voir une majorité stable prendre des décisions et gouverner. Les triangulaires sont une menace grave : nous ne pouvons sans cesse être pris entre le marteau et l’enclume.
Choisir, telle est la clé. Assumer la politique que l’on conduit et la rendre lisible.Aucune réforme n’est impossible dans notre pays, à condition de savoir y associer en temps voulu l’ensemble des acteurs et des composantes de la société. Mais pour y parvenir, il faudra terrasser le pire démon de la majorité. Ce spectre ne porte ni le nom d’un parti ni le visage d’un homme. Il réside dans les complexes de la droite, dans cette timidité à affirmer son identité. Nous avons été portés au pouvoir pour mener une politique conforme à nos valeurs. Pas une autre. Pas avec des artifices empruntés à l’adversaire, fût-ce pour le déconcerter; pas avec les partisans d’autres idéologies, fût-ce pour les contredire. Il est temps de nous assumer, et de faire partager nos engagements et nos enthousiasmes, notre patriotisme et notre sens de la liberté fondée sur la responsabilité individuelle. Si nous savons nous souvenir du conseil de Georges Pompidou, selon qui « on ne gagne qu’avec son camp », nous trouverons l’ardeur de nous ressourcer après la défaite.
Olivier DASSAULT
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