Saint Michel, Protecteur de la France
Rien n'est assurément plus mystérieux que le culte des anges dont les origines plongent dans la nuit des temps. Nous savons que si les anges se sont présentés aux hommes comme des messagers de Dieu, ils sont avant tout, " de purs esprits " qui se déploient dans une dimension étrangère à notre espace, sans être soumis à la durée ni au rythme du temps.
L'ordinaire de la vie immortelle de ces créatures personnelles, pour parler comme Notre Seigneur Jésus-Christ, est de contempler constamment la Face du Père qui est aux cieux (évangile selon saint Matthieu, XVIII 10), bonheur dont ils séloignent par amour de Dieu et des hommes, pour porter la parole de l'un aux autres. " Ange, dit saint Augustin, désigne la fonction non pas la nature. Tu demandes comment s'appelle cette nature ? Esprit. Tu demandes la fonction ? Ange. D'après ce qu'il est, c'est un esprit, d'après ce qu'il fait, c'est un ange " (commentaire du psaume CIII).
Tout au long de l'Ancien Testament, les anges furent présents pour instruire, protéger, réconforter et conduire les hommes. Après l'expulsion de nos premiers parents, l'ange à l'épée flamboyante interdit l'entrée du Paradis terrestre (Genèse, III 24). Un ange consola Agar dans le désert (Genèse, XVI 9 & XXI 17). C'est un ange qui arrêta le bras d'Abraham prêt à immoler Isaac (Genèse, XXII 11). Avant que Sodome fût détruite par le feu du ciel, un ange fit sortir Loth et sa famille de la ville (Genèse, XIX). Le patriarche Jacob vit en songe des multitudes d'anges monter et descendre l'échelle qui allait de la terre au ciel (Genèse, XXVIII 12). Dieu envoya un ange pour conduire à travers le désert les Hébreux vers la Terre Promise (Exode, XXIII 20-23), voyage initiatique au cours duquel, disent les traditions juives, la Loi leur fut donnée par un ange (Actes des Apôtres, VII 53 ; épître de saint Paul aux Galates, III 19. Saint Augustin : " La Cité de Dieu ", X 15 : " De la Trinité ", III 11). Un ange envoya Gédéon délivrer Israël des Madianites (Juges, VI 14 et suivants) et un autre réconforta Elie dans le désert (premier livre des Rois, XIX 5). Les prophètes sont instruits par des anges (Ezéchiel, XL 3) qui leur expliquent les visions symboliques (Zacharie, II 3, III 4 s., IV 1, VI) et leur révèlent l'avenir (Daniel, IX 22).
Le Nouveau Testament est aussi tout rempli du ministère des anges. L'archange Gabriel fut le messager du mystère de l'Incarnation auprès du prêtre Zacharie (évangile selon saint Luc, I 11-20) et de la Vierge Marie (évangile selon saint Luc, I 26-38). Un ange fut préposé à instruire saint Joseph de ce mystère (évangile selon saint Matthieu, I 20-23), et à l'assister dans sa vocation de père nourricier (évangile selon saint Matthieu, II 13-21). Un ange annonça la naissance du Messie aux bergers de Bethléem et des multitudes d'anges chantèrent dans le ciel de Noël (évangile selon saint Luc, II 8-14). Un ange ordonna à Joseph de fuir en Egypte (évangile selon saint Matthieu, II 13) et d'en revenir (évangile selon saint Matthieu, II 19). Des anges servirent Jésus après sa triple victoire sur le tentateur, au sortir du jeûne au désert (évangile selon saint Matthieu, IV 11), et un ange le réconforta lors de son Agonie, dans les ténèbres du jardin des Oliviers (évangile selon saint Luc, XXII 43). Des anges furent envoyés par Dieu pour annoncer la Résurrection du Sauveur aux saintes femmes (évangile selon saint Matthieu, XXVIII 5-6 & Evangile selon saint Luc, XXIV 22), singulièrement à Marie-Madeleine(évangile selon saint Jean, XX 11). Des anges, enfin, intruisirent les Apôtres après l'Ascension (Actes des Apôtres, I 9). Dans son enseignement, Jésus montra les anges comme ses auxiliaires à la fin du monde (évangile selon saint Matthieu, XIII 36-43, XVI 27 & XXIV 31), et il nous instruisit du ministère des anges gardiens (évangile selon saint Matthieu, XVIII 10).
L'Eglise primitive, comme le Seigneur, fut assistée par les anges dont l'un fait échapper les Apôtres des mains des Saducéens (Actes des Apôtres, V 19-20), et dont un autre délivre saint Pierre de la prison dHérode (Actes des Apôtres, XII 6-17). Un ange conduisit le centurion Corneille vers saint Pierre (Actes des Apôtres, X 1-8), un autre sauva saint Paul dun naufrage (Actes des Apôtres, XXVII 23-26). Un ange envoya le diacre Philippe vers le haut fonctionnaire de la reine dEthiopie (Actes des Apôtres, VIII 26), un autre frappa de mort Hérode Agrippa, le roi persécuteur (Actes des Apôtres, XII 23). Saint Paul, dans ses épîtres, et saint Jean, dans lApocalypse, enseignèrent encore bien des choses sur les anges. Tout au long de lhistoire, les anges arrachent les fidèles au mal pour les faire progresser vers le bien et les amener jusquà la perfection (saint Bonaventure : " De sanctis Angelis ", sermon V).
Or, l'Ecriture ne nous a révélé les noms que de trois d'entre les anges :
Gabriel (Daniel, VIII 16 & IX 21 ; évangile selon saint Luc, I 19 & I 26) dont le nom signifie " la force Dieu ", Raphaël (Tobie, III 17, V 4, VIII 2, VIII 3 & XII 15) dont le nom signifie " Dieu guérit ", et Michel (Daniel, X 13, X 21, XII 1 ; épître de saint Jude, IX ; Apocalypse, XII 7) dont le nom signifie " Qui est comme Dieu ? " Les auteurs apocryphes imaginèrent quatre autres archanges, fort vénérés en Orient : Uriel, Salathiel, Jéhudiel et Barachiel.
A un concile romain qui se tint sous la présidence du pape Zacharie (745), on déclara que les chrétiens ne connaissaient que trois noms danges : Michel, Gabriel et Raphaël. Cette condamnation fut réitérée par un concile dAix-la-Chapelle (789).
En 1516, dans une église de Palerme dédiée au carme martyr saint Ange, on découvrit une fresque sous le badigeon dont on l'avait recouverte, et l'on y distingua sept archanges nettement identifiés. Outre les archanges Michel, Gabriel et Raphaël, on voyait Uriel, l'épée nue, foulant des flammes, qui gardait l'entrée du Paradis terrestres ; on voyait aussi Jehudiel, muni dun fouet et d'une couronne, qui exécutait les sentences divines ; on voyait encore Barachiel, portant des roses blanches dans son manteau ; on voyait enfin Salathiel, les mains jointes, portant le repentir de l'humanité devant Dieu.
L'affaire fit grand bruit et le prêtre Angelo Duca répendit si bien la dévotion au sept archanges que Charles Quint dota une église construite à Palerme en leur honneur (1523). Angelo Duca triompha de la résistance de Pie IV et, après Naples et Venise, Rome connut cette nouvelle dévotion, au point que lors d'une " épidémie de possession " on y invoqua les sept archanges (1553).
La grande salle des Thermes de Dioclétien, transformée en église par Michel-Ange, fut dédiée à la Vierge Marie et aux sept archanges qui furent représentés sur un rétable avec les attributs des archanges de Palerme (1561).
Des missels contenant un office pour les sept archanges furent imprimés à Rome d'où les pèlerins d'Allemagne, de Flandre, de France et d'Espagne rapportèrent chez eux la dévotion. Chacun des électeurs du Saint-Empire choisirent un des sept archanges comme protecteurs. Les Jésuites firent beaucoup pour la diffusion de cette dévotion aux sept archanges et, en France, au siècle suivant, le R.P. Paul de Barry, dans un livre publié à Lyon (1644), affirmait : " le quatrième, Uriel, illumine et instruit les hommes par ses inspirations ; le cinquième les incite à la prière ; le sixième les invite à la louange de Dieu ; le septième nous procure les bénédictions du Ciel et nous exhorte au remerciement. "
On trouvait encore des traces solides de cette dévotion après le milieu du XIX° siècle où, en 1860, on forma, en Italie et en Allemagne, une association pour la défense et la promotion du culte des sept Esprits. Nous n'évoquerons ici que le saint archange Michel, particulièrement dans ses rapports avec la France dont il est le traditionnel protecteur.
La seule signification du nom du saint archange Michel nous indique le rôle qui lui est échu depuis le commencement jusquà la fin des temps. A la tête des armées célestes, il rejeta Lucifer des cieux, au moment de ce grand déchirement où s'ouvre le porche tragique de l'histoire ; Lucifer qui, oubliant son état de créature, ne veut pas servir les desseins de Dieu, est repoussé par la victorieuse question de Michel : " Qui est comme Dieu ? "
La force de saint Michel archange ne procède pas de la cuirasse ou des armes étincelantes que notre impuissance à représenter les réalités spirituelles lui attribue, mais de son amour de Dieu qui'l proclame vigoureusement. Cet amour que les bons anges ont pour Dieu ne consiste pas seulement à vouloir l'adorer, le servir et lui plaire, mais aussi, et peut-être surtout, à se mettre au service de l'homme, bien qu'ils sachent que, par le mystère de lIncarnation du Verbe divin, cette créature moins parfaite qu'eux, leur deviendra supérieure.
Il faut en convenir, même si l'on peut considérer que les anges sont membres du Christ, ils ne le sont pas aussi parfaitement que les hommes, puisquils n'ont pas avec lui cette identité d'espèce et cette solidarité en vertu desquelles la grâce s'écoule du Christ en nous, d'un mouvement en quelque sorte naturel (R.P. Emile Mersch : " Le Corps mystique du Christ ", Bruxelles, 1936).
De plus, n'ayant pas péché, ils n'ont pas eu besoin de la Rédemption, et la grâce leur a été conférée indépendamment du sacrifice du Sauveur. Dieu nous dit, affirme saint Jean Chrysostome : " Je commande aux anges, et toi aussi par les prémices (le Christ). Je suis assis sur le trône royal, et toi aussi par les prémices. Il nous a ressuscités avec lui, est-il écrit, et assis avec lui à la droite du Père (épître de saint Paul aux Ephésiens, II 6) Les chérubins et les séraphins et toute l'armée céleste, les principautés, les puissances, les trônes et les dominations t'adorent à cause des prémices " (commentaire de la première épître de saint Paul à Timothée, XV).
Si, à la seule question de l'archange saint Michel, les cieux souvrirent pour précipiter Lucifer et ses démons éternellement maudits, la lutte, bien loin de se terminer, devint comme le moteur de l'histoire, et saint Paul, dans un texte fameux, nous rappelle ces combats terribles que ne cessent de se livrer les puissances invisibles contre nous : " Car notre lutte n'est pas contre la chair et le sang, mais contre les Principautés, contre les Pouvoirs, contre les Souverains de ce monde de ténèbres, contre les Esprits pervers qui sont dans les régions célestes " (épître de saint Paul aux Ephésiens, VI 12).
Si saint Michel archange fut, avant l'origine des temps, le chef des cohortes célestes, il est raisonnable de croire qu'il est encore aujourdhui et jusquà la fin du monde, le stratège de cette guerre implacable où nous sommes engagés. " Toutes les fois, dit saint Grégoire le Grand, qu'il sagit d'une oeuvre de merveilleuse puissance, c'est Michel que l'on nous dit envoyé, pour que son intervention même et son nom nous donnent à entendre que personne ne peut faire ce que Dieu seul a le privilège de faire. L'antique ennemi, qui a désiré par orgueil être semblable à Dieu, disait : J'escaladerai les cieux, par-dessus les étoiles du ciel j'érigerai mon trône, je ressemblerai au Très-Haut. Or, l'Apocalypse nous dit qu'à la fin du monde, lorsqu'il sera laissé à sa propre force, avant d'être éliminé par le supplice final, il devra combattre contre l'archange Michel : Il y eut un combat contre l'archange Michel " (homélie XXXIV sur les péricopes évangéliques).
On comprend que saint Michel archange, tant dans la tradition juive que dans la tradition chrétienne, soit considéré comme le plus grand des anges puisqui'l est préposé à la défense du peuple élu (Daniel, X 13) dans l'unique combat qui fait toute l'histoire du monde. Même si le nom du représentant et protecteur d'Israël n'apparaît, dans le vieux Testament que dans le livre de Daniel (X13 & 21 ; XII 1), les traditions juives affirment qu'il présida aux dix plaies dEgypte, et qu'il conduisit les Hébreux à travers le désert, avant que de soutenir Josué prêt à investir Jéricho (Josué, V 13-15).
Selon les apocryphes judaïques, Michel qui se tient devant le trône de Dieu (" Livre dHénoch éthiopien ", XX 1 s & XL 1 s.), sera l'avocat des justes lors du jugement après la mort, ce dont le saint apôtre Jude se fait lécho en racontant la mort de Moïse (épître de saint Jude, 9. Saint Jude fait état d'une tradition juive rapportée par le " Targum de Jonathan "). Maintenant que l'Eglise est le nouveau peuple de Dieu, l'archange saint Michel est son protecteur et son soutien dans toutes ses luttes pour la défense et l'expansion du Royaume de Dieu sur la terre (Jean-Paul II : discours à Vieschi, 24 mai 1987).
Daucuns pourraient penser que cette vision des choses est par trop dépassée, mais ce que je viens dénoncer sort moins de ma bouche que de celle du pape Jean-Paul II qui concluait : " Dans cette lutte, larchange Michel est aux côtés de lEglise pour la défendre contre toutes les iniquités du siècle, pour aider les croyants à résister au démon " (Jean-Paul II : discours à Vieschi, 24 mai 1987).
Ainsi la chrétienté s'est-elle très tôt confiée à la protection de l'archange saint Michel.
Il serait ici trop long de développer les apparitions et les dévotions catholiques à saint Michel, mais pour se convaincre, s'il en était besoin, il suffirait de considérer les très nombreux sanctuaires lui qui sont dédiés. Mais, direz-vous alors, l'archange saint Michel n'est pas que le défenseur et le patron de la France, mais de tous les Etats chrétiens du monde, puisqu'il est de toute lEglise : " Il y a donc dans chaque royaume deux rois : l'un, visible, l'homme ; l'autre, invisible, l'ange. Et dans chaque Eglise, il y a deux évêques, l'un, visible, l'homme ; l'autre, invisible, l'ange. Et dans l'Eglise catholique, universelle, il y a deux souverains pontifes, constitués sous le Christ : l'un, visible, l'homme ; l'autre, invisible, l'ange. Nous croyons que cet ange est saint Michel. La Synagogue, autrefois, le vénérait comme le patron des israélites ; l'Eglise, à présent, le vénère comme celui des chrétiens " (saint Robert Bellarmin : " La Montée de l'âme vers Dieu par l'échelle des créatures ", neuvième degré : " Considération des anges " chapitre VI).
Certes, mais il l'est tout particulièrement de la France parce quelle est et quelle demeure la Fille aînée de l'Eglise (Jean-Paul II : homélie prononcé au Bourget, 1° juin 1980).
Entendons-nous bien, Chrétiens, la France nest pas la fille aînée de lEglise parce quelle est le premier royaume authentiquement catholique né des ruines de lempire romain, ni même parce que ses rois acquirent ses Etats au souverain pontife, la France est la fille aînée de lEglise parce quelle a une destinée divine en faveur de la conversion des autres peuples. A peine Clovis était-il rené des eaux du Baptême, que le saint évêque Avit de Vienne lui assignait sa mission : " Puisque Dieu, grâce à votre zèle, va faire de votre peuple son peuple, il vous appartient de répandre chez les peuples d'au-delà, les trésors de votre cur, de propager les semences de la foi chez les peuples qui vous entourent et qui dans leur ignorance naturelle n'ont pas été touchés par la corruption de l'hérésie. N'épargnez rien pour leur envoyer des ambassadeurs et pour étendre le royaume d'un Dieu qui a tant glorifié le vôtre. Ainsi les peuples étrangers encore païens viendront au nom de la religion se ranger sous votre empire. " Tout doux, mes Frères, " se ranger sous votre empire " ne signifie pas être absorbé dans lunité nationale française dont personne na la moindre idée à lépoque dont on parle ; il sagit bien plutôt de se ranger sous sa mouvance, je veux dire dans son esprit, non point tant sous un empire temporel, mais sous lempire du Christ, comme voudra être la Chrétienté qui conjuguera dans un même ensemble de foi des éléments libres et divers. Simultanémment, le pape Anastase II, écrivant à Clovis pour le féliciter de son baptême, décrit avec l'autorité de chef de l'Eglise les conditions du pacte conclu en ce jour avec la nation des Francs qui, dit-il, " sera chargée de protéger l'Eglise de Dieu contre tous ses ennemis. " Si saint Michel est le protecteur de la France, ce n'est quen tant quelle est la Fille aînée de lEglise, peuple choisi comme propagateur de lEvangile et défenseur du siège de Pierre. Les temps étant passés, la conviction des souverains pontifes ne changea pas, et Grégoire IX, écrivant à saint Louis, ne craignait pas daffirmer que " La tribu de Juda était la figure anticipée du royaume de France ", ajoutant quil est " manifeste que le Rédempteur a choisi le béni royaume de France comme l'exécuteur de ses volontés ; il le porte suspendu en guise de carquois ; il en tire ordinairement ses flèches d'élection quand avec l'arc de son bras tout-puissant il veut défendre la liberté de l'Eglise et de la foi, broyer l'impiété et protéger la justice. " Est-il besoin d'en dire davantage à une assemblée aussi informée que vôtre ? Dois-je appeler encore les témoignage des papes, de Benoît XIV à Léon XIII, et de Pie X à Jean-Paul II ?
Nos ancêtres avaient parfaitement conscience de ce rôle important de la France vis-à-vis de l'Eglise et de l'amour de prédilection du Christ pour eux. Nous en trouvons la preuve dans la vieille liturgie gallicane où, au septième siècle, ils disaient : " O Dieu tout-puissant et éternel, qui avez établi l'empire des Francs pour être dans le monde l'instrument de votre divine volonté, le glaive et le bouclier de votre sainte Eglise, nous vous en prions, prévenez toujours et en tous lieux de la céleste lumière les fils suppliants de la nation française, afin qu'ils voient ce qu'il faut faire pour l'établissement de votre règne en ce monde, et afin que pour accomplir ce qu'ils auront vu, ils soient remplis de charité, de force et de persevérance. " Le prologue de la loi des Saliens commençait à la fois par ce cri de reconnaissance et cette protestation de fidélité : " Vive le Christ, qui aime les Francs ! " Nos pères croyaient fermement que Dieu a choisi la France parmi les nations pour être son instrument dans le monde, comme il avait choisi autrefois le peuple juif pour garder le dépôt de la révélation.
Souvent fidèle à sa mission, la France en a reçu la récompense par une prospérité qui a fait l'envie des autres nations. Infidèle à certains moments, elle s'est vue punie, parfois durement, mais jamais abandonnée. Aux moments les plus critiques, alors que tout semble perdu pour elle, la Providence intervient directement pour réparer en un clin d'oeil les blessures les plus mortelles.
Le miracle qui a inauguré son histoire à Tolbiac se reproduira maintes fois en sa faveur, et, on pourrait le croire aux apparences, dans le but unique de sauvegarder sa vocation universelle, fût-ce contre les français eux-mêmes. De toute cette conduite de la Providence à notre égard, nous devons conclure que le vrai moyen de grandeur pour la France, c'est, non pas de s'occuper de ses intérêts personnels, mais de faire régner Jésus Christ chez elle et dans le monde, et d'assurer la liberté du Pontife romain contre tous ses ennemis. Imaginez les belles pages que nous pourrions alors ajouter à notre histoire nationale, si nous étions fidèles au prologue de la loi des Saliens : " Vive le Christ, qui aime les Francs ! "
Si telle est la destinée de la France, comme les papes nous l'affirment, il est bien évident qu'elle est particulièrement protégée par l'archange saint Michel. Outre que nos ancêtres crurent que le chrême du baptême de Clovis avait été apporté du Ciel par saint Michel, ils répondirent à voix de l'archange qui, au mont Saint-Michel, voulut être honoré " comme le patron et spécial protecteur de la France ", devant qui Childebert III (683-711), roi de Neustrie et de Bourgogne de 695 à 711, vint déposer son sceptre et sa couronne. Bien avant que l'archange pressentît saint Aubert pour l'édification de sa basilique sur le mont Tombe (709) qui deviendra le Mont Saint-Michel, la dévotion des Gaules à saint Michel était déjà fort ancrée. Pour mémoire, rappelons qu'une reine burgonde lui avait élevé un sanctuaire à Lyon dès 506, que sainte Marcia avait introduit son culte en Arles dès 512, que Limoges lui avait dédié une église dès 550, et le saint évêque Bertrand du Mans avait dévolu des dîmes à l'un de ses sanctuaires dès 614 ; la première mouture de ce qui deviendra l'abbaye Saint-Michel-en-Thiérache date de la deuxième moitié du VII° siècle.
Après que Charlemagne eut fait représenter l'archange sur ses étendards où il fit inscrire : " Saint Michel, patron et prince de l'empire des Gaules ", Louis le Débonnaire, avant que de se lancer à la conquête de la Bretagne, vint pèleriner au mont Saint-Michel.
Souffrez que je vous souligne que tant Louis le Débonnaire que son père, Charlemagne, avaient une notion de la conquête qui nous échappe aujourdhui totalement. Rappelez-vous la guerre de charlemagne contre les Saxons. Dieu sait si l'on nous en a raconté sur la conversion des Saxons ! La récente histoire laïque et obligatoire se plaît à nous montrer un petit peuple charmant, tout occupé de son bien-être écologiste, assailli par des hordes de soudards avinés. Or, s'il s'agissait pour les Francs de manger pour n'être pas mangés, il sagissait aussi de faire de nos ennemis nos frères. A cet égard, l'histoire de Wittikind, leur prince, est bien instructive. Lorsque Charlemagne finira par le prendre, il n'eut de cesse que de le convertir, non par la force mais par la raison et la grâce ; lorsqu'il fut baptisé, à Attigny (785), Charlemagne fut son parrain. L'enferme-t-on dans quelque château ? Le tient-on au secret dans quelque prison ? Point du tout, on lui donne la couronne ducale de Westphalie, on lui rend ses armes et ses troupes : l'ennemi était devenu le frère ; aujourdhui, si vous étiez à Paderborn ou à Minden, vous pourriez honorer le bienheureux confesseur Wittikind, fêté le 7 janvier.
Forts de cette conviction, les vieux français attribuaient volontiers leurs succés et leurs victoires à l'intervention de saint Michel. Ainsi, Philippe II Auguste qui avait été baptisé par l'évêque Maurice de Paris, le 25 août 1165, dans le sanctuaire consacré à saint Michel dans la Cité (la chapelle Saint-Michel-de-la-Place),
Que venaient-ils faire ? Implorer parfois le secours de saint Michel, mais la plupart des fois le remercier. On comprend que Charles VII eût impérieusement éprouvé le désir de remercier l'Archange qui avait appelé et conduit Jeanne dArc qui lui rendit son trône ; lors de son entrée triomphale dans Paris enfin reconquis (12 novembre 1437), " devant lui marchait un écuyer qui portait un étendard de soie rouge, tout semé détoiles dor, et au milieu l'image de saint Michel. " Plus avant, au retour de la triste croisade de Tunis, Philippe III le Hardi était venu remercier l'Archange d'avoir protégé le Royaume de la peste ; c'eût été normal si l'on avait fait alors force dévotions à saint Michel pour obtenir que cessât l'épidémie, mais rien ne vient au secours de cette hypothèse. Il faut comprendre que le Roi croyait à une sorte d'harmonie entre la France et son ange tutélaire, pensant qu'à chaque instant il est là pour garder et conduire à la victoire.
La victoire, demanderez-vous, perplexes, mais n'avons-nous pas eu des défaites, des épidémies, des famines, des catastrophes ? Certes, nous avons eu des victoires, mais nous navons guère été épargnés. Et alors, Chrétiens, êtes vous si peu instruits des réalités divines ? Ne voyez-vous pas que ces défaites et ces calamités mêmes sont des victoires et des guérisons ?
La Croix nest-elle pas une victoire ? Nest-il pas nécessaire de passer par la Passion et par la Croix pour arriver jusquà la gloire de la Résurrection, comme vous le dites à l'Angelus, introduit en France par Louis XI ?
Si la France, pour parler comme Grégoire IX, est le nouveau peuple de Juda, elle doit connaître, elle aussi et elle surtout, non pas en figuration mais en continuation, ce que le Christ a connu ; membre choisi du corps mystique du Christ, comme tous et chacun des fidèles, elle doit souffrir pour compléter en sa chair ce qui manque aux afflictions du Christ, en faveur de son corps qui est l'Eglise, selon l'enseignement de l'apôtre Paul au Colossiens (I 24 : " Maintenant je me réjouis de mes souffrances pour vous, je complète en sa chair ce qui manque aux afflictions du Christ, en faveur de son corps qui est l'Eglise "). La vraie gloire ne sacquiert que par la Croix. La souffrance et l'offrande de sa souffrance est la gloire. La gloire c'est de souffrir, de tenir, de se battre, quoi qu'il puisse en paraître, en sachant que l'on aura un jour la victoire. Voilà la force et la conviction que l'on obtient de saint Michel au cours du combat pour le bien, pour Dieu et le salut du monde.
Représentez-vous la France du XV° siècle. D'aucuns ne voient apparaître saint Michel que lorsqu'il s'adresse à Jeanne pour l'investir de son extraordinaire mission libératrice, mais on a passé toute la guerre de Cent Ans à se battre au pied du Mont Saint-Michel. Il nest pas sans intérêt de noter que le malheureux roi contre lequel la guerre de Cent Ans a commencé, Philippe VI de Valois, est le premier à avoir fait une consécration officielle du Royaume à saint Michel.
Malgré la dévotion certaine de ses glorieux prédécesseurs, Philippe VI semble bien être le premier souverain à placer la France sous la protection de l'archange saint Michel. Outre qu'il se montre fort soucieux de protéger les privilèges de la chapelle Saint-Michel de la Place et de l'abbaye du Mont Saint-Michel, veillant aux rentes du chapelain de l'une (1328) et confirmant les biens de l'autre (1334) qu'il exempte de charges militaires (1346 et 1347). Le Vrai Catholique Philippe le Fortuné veut associer étroitement saint Michel aux succès de ses armes et aux affaires de son royaume.
Ainsi, bousculant les usages qui réservaient à cet effet Noël, l'Epiphanie, la Chandeleur, Pâques, l'Assomption, la Toussaint ou, surtout, la Pentecôte, à moins que l'on voulût souligner l'importance d'un événement particulier comme un départ en campagne ou un mariage éclatant, Philippe VI choisit la Saint-Michel 1332 pour armer chevalier son fils Jean, duc de Normandie et futur roi de France, au Palais.
Déjà, quatre ans auparavant, il avait choisi la fête de l'archange saint Michel pour faire son entrée solennelle à Paris, après la victoire de Cassel. Là, tout au début de son règne, il exploitait sa victoire sur les Flamands comme, en cas de besoin, une preuve de sa légitimité face aux possibles prétentions des Plantagenêts dont le chef, Edouard III d'Angleterre, petit-fils de Philippe le Bel par sa mère Isabelle, rechignait à préter l'hommage comme duc de Guyenne, comte de Ponthieu et de Montreuil. Louis de Nevers, comte de Flandres en 1322, contrairement à ses prédécesseurs, jouait dans le gouvernement de ses Etats la carte du roi de France et de l'aristocratie d'affaires alors qu'il devait affronter une dure révolte du petit peuple de Flandres maritimes qui, déjà serré dans les mailles d'une administration de plus en plus inquisitoriale, subissait les malheurs d'une crise économique sur fond de mauvaises récoltes et de productions inadaptées.
Les couches des villes et des campagnes, naguère prospères, ressentant vivement la récession, soulevèrent et organisèrent leurs compatriotes plus touchés encore pour une révolte qui se voulait radicale, c'est-à-dire qui s'attaquait aux hiérarchies établies pour détruire l'ordre féodal.
Submergé et peu habile à la guerre populaire, le comte de Flandres comprit qu'il perdrait tout s'il n'obtenait le secours du roi de France qu'il demanda par deux fois au nouveau monarque : quand il vint lui prêter hommage et au jour du sacre. Philippe VI, tout juste sacré, entraîna ses barons à Saint-Denis, convoqua son ost, prit l'oriflamme de Saint-Denis, pria devant les reliques de saint Louis, et malgré les conseils de prudence de ceux qui savaient ce que valurent les campagnes de Flandre mal préparées, courut à l'aide de Louis de Nevers.
En juin, l'armée était rassemblée à Arras ; les gens de Gand, fidèles à leur comte et au Roi, attaquèrent Bruges, où ils retinrent une grande part des forces insurrectionnelles, tandis que les maréchaux ravageaient la Flandre occidentale et que les vingt-neuf bannières du Roi marchaient sur le Mont-Cassel où s'étaient retranchés les révoltés sous la conduite de Nicolas Zannequin. Le 23 août, l'armée royale était au complet sous Cassel et faisait la sieste dans une chaleur torride quand les insurgés, à qui l'on avait refusé une bataille en ordre, attaquèrent par surprise: l'infanterie se débanda sans combattre, mais, sous la conduite du Roi, la chevalerie fit face, entoura les troupes de Zannequin et les extermina.
C'était la victoire de la vieille chevalerie contre les arcs et les couteaux. Cassel fut incendiée, Ypres se soumit, Bruges se rendit et la pacification fut laissée aux soins du comte de Flandres qui n'y alla de main morte, alors que Philippe VI rentrait à Paris, auréolé de la victoire, chef d'une aristocratie unie qui le reconnaissait d'autant mieux pour son suzerain qu'il avait, sans hésitation, manifesté sa fidélité au serment de l'hommage en secourant un vassal malheureux pour lui rendre l'autorité bafouée.
Désormais, Philippe VI est le garant de l'ordre et l'homme fort de l'Europe : Edouard III prête l'hommage (6 juin 1329) en présence des rois de Bohême, de Navarre et de Majorque ; Jean XXII lui permet d'occuper Parme, Modène et Reggio (1330) ; Jean de Bohême lui cède la ville et le comté de Lucques (1334) ; il régle définitivement la succession d'Artois (1332) ; il réunit les comtés de Brie et de Champagne à la couronne (1336). C'est encore en action de grâce pour la victoire de Cassel que Philippe VI offrit à la Vierge le cheval et les armes qu'il portait à la bataille (statue équestre à Notre-Dame de Paris), et qu'il fit repeindre la chapelle Saint-Michel de l'abbaye royale de Saint-Denis (1330). Plus tard, par une ordonnance, datée du 27 janvier 1341, Philippe VI émet des deniers d'or fin à l'ange : pour la première fois, sur une monnaie, l'écu n'est pas un semé mais les trois fleurs de lys de l'écu de France nouveau; l'archange saint Michel, drapé dans les plis d'une longue robe, coiffé de la couronne royale, est appuyé sur l'écu fleurdelysé pendant, qu'avec la longue hampe d'une croix, il maintient la tête du dragon gisant à ses pieds.
Outre les trois fleurs de lys qui furent montrées dans une vision pour manifester la singulière affection que la Trinité a pour le pays de France, selon ce que rapporta Guillaume de Digulleville (1338), Philippe VI voulut souligner la configuration du roi au Christ et du royaume de la terre à celui des cieux, sur son sceau secret, en entourant son écu des symboles des évangélistes répartis en croix (1336). Saint Michel, frappé sur le denier, appuyé sur l'écu royal, voulait sans doute montrer l'union dans un même combat des deux royaumes, donc des deux légitimités, à une époque où Edouard III, allié aux Flamands, s'est déjà proclamé roi de France (1340) et a déjà remporté la victoire de l'Ecluse avant de signer la trêve d'Esplechin (25 septembre 1340) dont on sait bien qu'elle ne peut durer longtemps.
La guerre est pourtant arrivée, et elle a durée, interminable, à une époque où l'espérance moyenne de vie était de trente ans ; des générations entières nont jamais connu la paix, et pourtant, dans cette peine et cette obscurité, les meilleurs tiennent les uns après les autres, inébranlablement confiants en celui qui est le vrai chef du Royaume, le Christ, et son ange, saint Michel.
Le Moyen Age s'achève dans cette conviction ; la création de l'Ordre de Saint-Michel par Louis XI (1° août 1469) est une action de grâces en même temps qu'un encouragement pour ce qui va venir : " A la louange et gloire de Dieu, notre Créateur tout puissant, et révérence de sa glorieuse Mère, et commémoration et honneur de Monsieur saint Michel archange, premier chevalier, qui pour la querelle de Dieu, victorieusement batailla contre le Dragon, ancien ennemi de la nature humaine, et le trébucha du ciel, et qui son lieu et oratoire appelé le Mont-Saint-Michel, a toujours sûrement gardé, préservé et défendu, sans être pris, subjugué ni mis ès-mains des anciens ennemis de notre royaume, et afin que tous les bons, hauts et nobles courages soient émus et incités à uvres vertueuses... avons constitué, créé et ordonné... un ordre de fraternité de chevalerie ou aimable compagnie de certain nombre de chevaliers, lequel ordre nous voulons être nommé l'ordre de Saint-Michel. "
La conviction s'affaiblit aux siècles suivants. La Renaissance n'a pas trop parlé de saint Michel, encore qu'il n'est pas tout à fait absent, comme on peut le voir dans les arts. Il est cependant si bien associé à la France que l'ambassadeur d'Angleterre en Espagne, refuse d'assister à l'office en l'honneur de saint Michel que Charles Quint fait célébrer à Saragosse le 29 septembre 1518. Après le désartre de Pavie (1525), François I° remplace la salamandre de ses armes par la coquille de l'Ordre de Saint-Michel. Pendant les guerres de religion, il ne manque pas de processions pour implorer le secours de saint Michel contre l'hérésie, comme celle qui se fait à Paris, le 29 septembre 1568, à quoi le futur Henri III attribue les victoires de Jarnac et de Montcontour (1570). D'aucuns, lorsque le roi Henri IV entra à Notre-Dame de Paris, virent " près de Sa Majesté, saint Michel, l'ange gardien de la France, en façon d'un jeune enfant come en l'âge de six ou sept ans,signalé par excellence en beauté et revêtu de blanc, ainsi qu'ordinairement les peintres nous dépeignent les anges ; qui, tout au long de la cérémonie, se tint au côté du Roi, et, icelle finie, disparut aussitôt. "
Lorsqu'on arrive, au début du XVII° siècle, à la consolidation de la réformation catholique en France, l'archange saint Michel est certes évoqué mais plus avec cette force qu'on avait connue autrefois ; il suffira, pour vous en convaince, d'aller consulter les tables des matières des prédications et des pieux ouvrages des débuts du siècle. Cest la Vierge Marie qui va ramener la France à saint Michel.
Vous vous souvenez que Louis XIII et le cardinal de Richelieu, largement aidés et soutenus par le Père Joseph du Tremblay, entraînant derrière eux des bataillons serrés de saintes âmes, ont consacré (1638) le Royaume à la Vierge Marie. En cette consécration, la pensée du Roi saccorde parfaitement avec ce que ses lointains prédécesseurs ont professé par l'intercession de saint Michel.
Songez-y, Louis XIII remercie Dieu, par la Vierge, de ce qu'il na pas encore, ni le Dauphin, ni la paix ; cependant il a la conviction que dans la persévérance on obtient la gloire ; il ne fit d'ailleurs pas cette consécration devant la Vierge en assomption, mais devant la statue de la Vierge des douleurs. Dailleurs les années qui suivent cette consécration sont bien terribles ; après la mort de Louis XIII vient la Régence avec les multiples révoltes de la Fronde où la guerre civile se fait sur fond de guerre étrangère, d'épidémies et de famines.
Nul ne sait alors comment sortir de cet engrenage funeste. Au milieu des désastres de la Fronde, Anne d'Autriche, pieuse reine s'il en fut, sans abandonner rien du terrain politique et militaire, cherche ardemment un secours dans le Ciel. C'est alors qu'après bien d'autres, la Régente consulte M. Olier, fondateur de la Compagnie de Saint-Sulpice, sur l’oeuvre de piété qu'il juge la plus propre à fléchir la justice divine.
A cette occasion, M. Olier lui rappelle (ou lui apprend, puisqu'elle est espagnole) ce qu'est saint Michel pour la France ; il lui conseille de se vouer à l'archange saint Michel, protecteur de la France, et d'instituer la messe du premier mardi du mois dont les Compagnons de Saint-Michel archange (53, rue Charles Gounod, 91120 Palaiseau), demandent la propagation : " Vu et dévotion, très-humble servante de Jésus-Christ. Abîmée dans mon néant et prosternée aux pieds de votre auguste et sacrée Majesté, honteuse dans la vue de mes péchés de paraître devant vous, ô mon Dieu, je reconnais la juste vengeance de votre sainte colère, irritée contre moi et contre mon Etat ; et je me présente toutefois devant vous, au souvenir des saintes paroles que vous dîtes autrefois à un prophète, au sujet d'un Roi pécheur, mais pénitent : J'aurai pitié de lui, et lui pardonnerai, à cause que je le vois humilié en ma présence. En cette confiance, ô mon Dieu, j'ose vous faire vu d'ériger un autel à votre gloire, sous le titre de saint Michel et de tous les Anges ; et, sous leur intercession, y faire célébrer solennellement, tous les premiers mardis des mois, le très-saint sacrifice de la Messe, où je me trouverai, s'il plaît à votre divine Bonté de m'y souffrir, quand les affaires importantes du royaume me le pourront permettre, afin d'obtenir la paix de l'Eglise et de l'Etat. " M. Olier composa cette prière pour la Reine : " Glorieux saint Michel, Prince de la milice du ciel et général des armées de Dieu, je vous reconnais tout-puissant par lui sur les royaumes et les Etats. Je me soumets à vous avec toute ma cour, mon Etat et ma famille, afin de vivre sous votre sainte protection ; et je me renouvelle, autant quil est en moi, dans la piété de tous mes prédécesseurs, qui vous ont toujours regardé comme leur défenseur particulier. Donc, par l'amour que vous avez pour cet Etat, assujettissez-le tout à Dieu et a ceux qui le représentent. "
Si vous pensez que les temps sont mauvais et que nous sommes affrontés à de formidables systèmes qui, s'arrogeant le droit de réviser la Loi divine, veulent emprisonner les âmes pour les rendre incapables de vivre avec " Dieu en esprit et en vérité ", qui pourriez-vous mieux appeler à votre secours que saint Michel archange ? La sublime question qui nomme l'Archange, " Qui est comme Dieu ? ", ne s'adresse pas au seul Lucifer, ni même à ses seuls anges, elle s'adresse aussi à chaque homme et, singulièrement, aux chefs des peuples.
Si l'affreuse bête de l'Apocalypse dont les exploits funèbres remplissent les derniers temps, recule devant l'archange saint Michel, ce nest point seulement parce qu'il crie sa formidable question, mais parce qu'il est lui-même cette question. Vous aussi, à son imitation, devenez cette question redoutable qui terrasse les démons ; criez-la aux ténèbres répandues sur le monde, par votre attention à la parole de Dieu, par votre stricte observance et par votre pratique cultuelle. Criez-la en appliquant votre intelligence à la vérité révélée que l'Eglise vous enseigne, en soumettant votre volonté aux commandements divins que l'Eglise vous rappelle, en nourrisant vos vies des grâces que le Seigneur vous a préparées et que l'Eglise vous distribue.
Vous demandez que saint Michel vous protège et vous voulez gagner avec lui le combat contre les puissances démoniaques, alors battez-vous avec ses armes en étant, à la face du monde de ceux qui proclament que nul n'est comme Dieu. Sachez-le bien, vous ne vous battez pas, quoi qu'il puisse vous en paraître, contre des hommes, sous leurs systèmes immondes qui offensent la face du Tout-Puissant ; ce sont les démons qui agissent et ceux-là, vous n'en serez pas vainqueurs par des discours, par des suffrages électoraux, par des finesses diplomatiques ou par les armes du monde, mais par la pénitence, la prière, le sacrifice et l'observance.
Puissent vos coeurs s'ouvrir largement au mystère de l'archange saint Michel de sorte qu'il vous aide à devenir plus droits, plus forts et plus purs, témoins incorruptibles de la vérité divine qui demande notre aveu.
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