Sarkozy comme chez lui en Israël !.
Reuters
Très populaire en Israël, Nicolas Sarkozy devrait profiter de deux jours de visite d’Etat pour confirmer la nouvelle politique de Paris au Proche-Orient. Et plaider pour son projet d’Union pour la Méditerranée.
CHRISTOPHE AYAD et ANTOINE GUIRAL
Philosémite ET pro-israélien. S’il est un domaine où la rupture est nette entre Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac, c’est bien celui des relations avec l’Etat hébreu, où il est arrivé hier pour une visite d’Etat de trois jours. Là où son prédécesseur était devenu un «héros arabe», Sarkozy s’affiche sans complexe comme «l’ami d’Israël». Un choix qui doit autant à son histoire personnelle qu’à son parcours électoral et sa vision du monde. Catholique non pratiquant, Nicolas Sarkozy n’a découvert qu’en 1972, à l’âge de 17 ans, que son grand-père maternel, qui venait de mourir, était juif. Un choc. Beniko (dit Benedict) Mallah était pour lui comme un père. «Un homme que j’adorais», raconte-t-il. Qui l’emmenait au défilé du 14 juillet voir son grand homme, De Gaulle, et manger des glaces. Mais ne lui a jamais parlé de sa judéité. Cet homme était originaire d’une grande famille juive séfarade de Thessalonique, en Grèce. Né en 1890, il est envoyé en France par ses parents en 1912 comme pensionnaire au lycée Lakanal de Sceaux (Hauts-de-Seine). Médecin durant la Première Guerre mondiale, il rencontre en 1918 Adèle, une veuve de guerre, et se convertit au catholicisme pour l’épouser, coupant tout lien avec la communauté juive. Ils auront deux filles dont Andrée (dite Dadu), la mère de Nicolas Sarkozy. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, la famille s’exile en Corrèze, par crainte d’être rattrapée par les origines juives de Benedict, avant de revenir à Paris à la fin de l’été 1944. Cet épisode, que Nicolas Sarkozy découvre également sur le tard, va profondément le marquer. Liens. Patrick Gaubert, président de la Licra et ami de Nicolas Sarkozy, assure n’avoir jamais parlé de ces questions avec lui. «Nous partions parfois en vacances ensemble avec une bande de copains juifs à moi, mais ne parlions jamais de religion.» Il remarque qu’aujourd’hui, le fils de Nicolas Sarkozy, Jean, vient de se fiancer avec une juive, héritière des fondateurs de Darty, et envisagerait de se convertir au judaïsme pour l’épouser. «Dans cette famille, on se souvient finalement d’où l’on vient», s’amuse-t-il. Depuis le début de sa carrière politique, Sarkozy a «travaillé» avec un soin tout particulier la communauté juive. Ses valeurs, ses codes, ses rites lui sont plus que familiers. A Neuilly, qui abrite une importante population juive, il a célébré des dizaines de mariages et n’a jamais raté une fête à la synagogue. Au ministère de l’Intérieur, il a davantage encore tissé des liens avec les juifs pour les convertir au sarkozysme électoral. Sur fond d’actes antisémites à répétition qui ont valu à la France de très sévères critiques dans la presse étrangère et en Israël, il rompt dès 2002 avec la prudence de Chirac et de Jospin : «Il ne faut pas être trop intelligent avec les actes antisémites en cherchant des explications, il faut être sévère», lance-t-il au Président. Hyperréactif, il se rend au chevet des victimes du moindre acte antisémite et n’a pas son pareil pour trouver les mots justes qui touchent la communauté. Une fois à l’Elysée, il est le premier président français à aller au dîner annuel du Crif, où il est acclamé. Autre initiative très appréciée des autorités israéliennes : il se rend en mai à la cérémonie au Trocadéro pour le 60e anniversaire d’Israël. En politique étrangère, Nicolas Sarkozy a «quelques idées simples» lorsqu’il se lance dans la course à l’Elysée, selon le député UMP Pierre Lellouche, atlantiste et pro-israélien convaincu, qui l’a conseillé un temps : refus du terrorisme, volonté de renouer avec les Etats-Unis, affirmation des valeurs occidentales. Un socle très influencé par son passage au ministère de l’Intérieur. Malgré les années passées au RPR, il est imperméable au dogme gaulliste. Affichant de plus en plus sa différence avec Chirac, Sarkozy se démarque de la sacro-sainte «politique arabe de la France» - un concept qui «ne veut rien dire», selon lui - et désapprouve mezzo vocela menace de veto à l’ONU contre l’intervention américaine en Irak. Il n’a jamais rencontré Arafat et ne cultive pas de relation personnelle avec les leaders arabes, contrairement à son prédécesseur. «Vision». Le puissant American Jewish Committee, qui reçoit Sarkozy en 2004, voit en lui un «homme de charisme, de vision, de courage». En janvier 2005, alors qu’il vient de prendre la présidence de l’UMP, il effectue un voyage de trois jours en Israël, où il est reçu comme un chef d’Etat par Ariel Sharon, premier ministre. «L’urgence ? La sécurité d’Israël», plaide-t-il. Son pari, selon un proche : en se proclamant l’ami inconditionnel d’Israël, influer sur la partie la plus puissante du conflit israélo-palestinien. Ce qui le rapproche plus du Mitterrand de 1982 à la Knesset que du Chirac de 1996 et son houleux voyage à Jérusalem. A l’arrivée de Kouchner au Quai d’Orsay, les pro-israéliens, jusque-là très minoritaires, relèvent la tête. La première visite d’Etat d’un dirigeant étranger en France est réservée à Shimon Pérès, en mars. Ce dernier offre en retour à Nicolas Sarkozy un terrain au sud de Tel Aviv comptant 3 600 oliviers. On ne sait pas s’il ira jeter un coup d’œil à sa nouvelle propriété lors de sa visite en Israël. Libération.fr |
Rédigé par : |