A DEMAIN DE GAULLE
Le 27 avril 1969, il y a 53 ans, le Général de Gaulle annonçait quitter le pouvoir à minuit. Désavoué par les Français qui avaient refusé son projet de régionalisation et de transformation du Sénat en Chambre représentative des forces vives.
J’avais 20 ans et ce soir-là le Préfet de l’époque, Louis Verger, un gaulliste, pressentant l’échec, m’avait choisi pour être à ses côtés dans son bureau, avec sa femme, devant le téléviseur qui égrenait les résultats du référendum fatal. Il coloriait en silence les cartes des départements en bleu ou rouge au fur et à mesure. L’atmosphère était infiniment triste. J'étais surpris d'être là .Il n’y avait aucune raison, mais j’avais parcouru le département, remué ciel et terre de MJC en mairies vides, pour plaider le » oui » à De Gaulle , alors que tout ce que la politique comptait, préparait la suite, anticipant la fin.
Le Préfet avait besoin d’une présence muette, sincère qui partage avec lui ce moment qui nous déchirait jusqu’au fond de l’âme. La soirée durait et Louis Verger ne voulait pas descendre dans les salons de la préfecture et jouer la comédie avec les invités. Il n’admettait pas le départ du Général qui tirait la France et les Français vers le haut, vers la grandeur et le dépassement, avec quel panache, depuis 10 ans. Défilaient dans ma tête ces temps de fierté, le discours de Phnon Penh, le Québec Libre, l’association du capital et du travail…. Avant minuit je suis sorti par une porte dérobée et rentré chez moi à St Martin d’Hères à pieds, comme je le fais encore aujourd’hui pour me déplacer. La pluie se mêlait à mes yeux mouillés.
Au moment où, 53 ans après, le Conseil Constitutionnel va déclarer élu le 8 eme Président de la Veme République, je ne peux m’empêcher de constater ce qu’est devenu notre pays. Une somme d’individualismes forcenés qui désagrège la société par l’absence d’un ordre des choses supérieur à cet individu-roi. Elle n’est plus que le résultat de la volonté ou de l’humeur des personnes qui la composent. Ballotée par les émotions successives, sans histoire commune, ni hiérarchie établie.
La longue déconstruction qui se poursuit a semé tout sentiment d’appartenance et conduit chacun à se réfugier dans un genre, dans une communauté, dans une sexualité, voire dans une tribu pour remplacer ce besoin grégaire des hommes de se protéger qu’était le cadre National avec son Etat fort.
La Nation que défendait de Gaulle contraignait à oublier ses intérêts, ses origines, ses préférences personnelles pour construire plus grand que soi, seul vecteur permettant de créer du bien commun et d’intégrer tous ceux qui la rejoignent.
Il y a 53 ans , les mêmes qui se recueillent aujourd’hui sur sa tombe, le traitaient de Général Franco, de soutien du grand capital, les CRS de « SS » , accusaient ses soutiens de fascistes et leur seul vrai projet était de « jouir sans entraves ». Ils ont poussé au bout cette logique en laissant croire à chacun que l’action publique est là pour satisfaire leur seul désir.
« Quelles que puissent être le nombre, l’ardeur de l’armée de ceux qui me soutiennent et qui de toute façon détiennent l’avenir de la patrie, ma tâche actuelle de Chef de l’Etat deviendra évidemment impossible » avait il annoncé deux jours avant le vote du 27 avril.
Un homme d’Etat est celui qui mène son action par la combinaison de l’intelligence et de l’instinct fonctionnant ensemble et prend ses décisions en s’appuyant sur les courants des profondeurs , invisibles à l’œil, qui font la permanence des peuples, ignorant les clapotis de surface qui aveuglent les politiciens.
53 ans après la leçon demeure d’une profonde actualité, mais ne semble retenue par aucun homme public et réclamée par personne. Plus on loue de Gaulle, plus on oublie son enseignement. Il demeure pourtant bien la clef de » l’avenir de la patrie ».
Après la mort du Général de Gaulle, j'ai accompagné Madame Jacques de Gaulle sur la tombe de son mari, le frère du Général à chaque anniversaire
Plus tard J'ai eu la chance d'accueillir comme Ministre, l'Amiral Philippe de Gaulle, le fils du Général
Alain Carignon
Ancien Ministre
Ancien Député/Maire de Grenoble
Actuel Conseiller municipal d'opposition à Grenoble
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