Les vœux d'Henri Guaino
Chers adhérents de Notre France,
En cette fin du mois de janvier, il est encore temps pour moi de vous souhaiter à tous mes vœux de plus grand bonheur personnel pour 2022, en espérant que les mois qui viennent verront la fin des épreuves endurées par chacun d’entre nous depuis deux ans. S’agissant de notre pays, j’ai plus de mal à formuler un souhait. Que pourrais-je dire dans le tourbillon des passions exacerbées où la raison se perd, où chacun n’entend plus que le son de la voix de celui qui parle comme lui ? Beaucoup d’entre vous, comme beaucoup de Français, se sont élancés passionnément vers ce qui leur semblait juste et bien. Mais comment autant d’élans vers tant de buts contraires convergeront-il le moment venu pour refaire un peuple, une société, une nation ? Ernest Renan disait que « la nation est un plébiscite de tous les jours », une sorte de référendum implicite auquel chacun, dans le secret de sa conscience, répond « oui » à une communauté de destin. Ce qui veut dire aussi que la nation est un compromis de tous les jours entre les aspirations contradictoires de chacun. Après des décennies d’aveuglement, de petites et de grandes lâchetés individuelles et collectives qui ont fait tant de dégâts dans la société, abîmé tant de vies, avec un pouvoir qui, aujourd’hui, ne cesse de diviser pour régner, de nourrir la peur pour se faire obéir, je ne vois plus grand monde, hélas, porté au moindre compromis avec les autres, avec ceux qui ne pensent pas tout à fait pareil, qui est pourtant la condition de la nation et de la démocratie. De toutes les crises récentes, je vois sortir une société où chacun semble devenu l’ennemi de l’autre, une société qui perd son humanité, sa civilité, sa sociabilité. Les choix politiques sont rarement sans conséquence sur des vies. Certains peuvent penser que se soucier de ces vies est pour les gouvernants comme pour les dirigeants d’entreprises une preuve de faiblesse. Je pense exactement le contraire.
Mon idée de la civilisation, de notre civilisation repose sur une idée de l’homme, de sa dignité et de sa liberté. Et quand je vois l’anti humanisme faire son grand retour, un totalitarisme d’un nouveau genre envahir nos universités, l’école détruite par le pédagogisme et l’injonction du « pas de vague », des médecins qui suggèrent que des non vaccinés pourraient ne pas être soignés à l’hôpital, le sort indigne des personnes âgées dépendantes parce qu’il est dicté par la bourse et plus par aucune forme d’humanité et de respect, les députés mettre en chantier une loi pour l’effacement des noms de famille, l’indifférence à la question sociale pourtant inséparable de la question nationale, je me dis que je ne reconnais plus ce qui fut pour moi la civilisation et que l’indifférence de la société et de la politique qui s’indignent au mieux un jour ou deux puis passent à autre chose, m’est insupportable.
Peut-être est-ce là une nostalgie du vieux monde, mais si c’est ça le nouveau, je le laisse à ceux qui s’y sentent bien.
Encore et toujours : si les Français veulent rester couchés…
La question qui me tourmente, mais qui visiblement ne semble pas préoccuper grand monde, est la suivante : comment celui qui sera élu en avril prochain pourra-t-il gouverner un pays plongé dans les désordres du monde, pris en tenaille entre l’Europe et la mondialisation, entre les tentations hégémoniques chinoises et américaines, disloqué par les fractures sociales, les communautarismes, les radicalités et les frustrations de toutes sortes que la campagne électorale aura exacerbées ? Sur quoi le pouvoir s’appuiera-t-il pour gouverner une démocratie dans laquelle le système des partis sera pulvérisé, à l’image de tous les cadres sociaux ? Car dans cette élection, la plupart des partis, cette fois, jouent leur survie en cas d’échec de leur candidat. Jamais le sort des formations politiques n’a tenu autant à une seule élection. Qu’en sortira-t-il ? Un nouvel ordre social et politique ou le chaos et la violence ? Entre la crise de la démocratie, le malaise dans la civilisation, et le risque d’explosion sociale, dans quelque direction où mon regard se porte, je ne vois rien m’inclinant à la confiance dans un avenir proche qui ressemble de plus en plus au crépuscule de nos républiques passées. Le Général De Gaulle avait coutume de dire : « elle en a vu d’autres la France, elle survivra ». Soit. Mais dans quel état ? Et quel sens, demain, donnerons-nous encore aux mots « civilisation » et « civilité » ?
Alors que souhaiter, sinon que chacun d’entre-nous, ayant fait son examen de conscience, prenne ses distances avec les outrances et les facilités, et se ressaisisse ?
Je me souviens de ma première campagne, la plus belle, celle du « non » à Maastricht avec Philippe Séguin et Charles Pasqua, avec ce beau slogan « Liberté je chéris ton non ! ». Encore et toujours cet ultime refus des hommes et des peuples libres.
Mon souhait ? Que nous retrouvions notre capacité collective à dire « non » à tout ce qui nous tire aujourd’hui vers le bas. « La force du « non » dans l’histoire ». La force de l’espérance quand tout concourt à la décourager.
N’était-ce pas pour cela que nous nous étions retrouvés ?
Henri Guaino
Président d'honneur de Notre France
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