UN GRAND DISCOURS DU GÉNÉRAL DE GAULLE A L'ALBERT HALL DE LONDRES EN ANGLETERRE
Le 15 NOVEMBRE 1941
" Or il ne s'est pas passé un jour sans que nous ayons grandi. Chacun sait quelles furent les étapes, toujours dures,, parfois cruelles de notre marche en avant. Chacun peut imaginer les difficultés matérielles et morales que nous avons dû surmonter. Chacun connaît l'étendue des territoires, le degré de force militaire, la valeur de l'influence, que nous pu reporter dans la guerre au seul service de la patrie. Nous étions une poussière d'hommes. Nous sommes maintenant un bloc inébranlable, nous nous sommes rendu à nous mêmes le droit d'etre des Français fiers et libres. Par dessus tout, nous avons rétabli dans notre peuple prisonnier les liens de l'unité française avec la volonté de résistance pour la vengeance et le redressement pour la grandeur.
Car,, c'est un fait que la France malgré la stupeur d'une défaite militaire méritée par ses chefs, mais non par elle même, malgré le trouble jeté dans son âme par la trahison d'hommes qu'elle considérait comme symboles de l'honneur,, malgré la pression de l'ennemi, exercée tantôt sous la forme de violences sans nom,, tantôt par offres doucereuses d'allègements et de collaboration, malgré un régime abject de police et de persécutions, malgré l'effort acharné de corruption des esprits par propagande unilatérale, c'est un fait que la France ne s'est nullement abandonnée. C'est un fait que la France a su discerner, au travers du nuage de sang et de larmes, dont on tentait de l'aveugler, qu la seule voie qui mène au salut est celle qu'ont choisie pour elle ceux de ses enfants qui sont libres.
Il n'est pas à cet égard, la moindre distinction à faire entre les Français de Brazzaville, de Beyrouth, de Damas, de Nouméa, de Pondichéry, de, Londres, étant les Français de Paris, de Lyon, de Marseille, de Lille, de Bordeaux, de Strasbourg.
Sauf une poignée de malheureux et une chambrée de misérables, qui, par panique, folle ou par intérêt,, ont spéculé sur la défaite de la patrie et qui dominent provisoirement par la tromperie, la prison ou la famine, la nation n'a jamais marqué une pareille unanimité. On peut dire, littéralement, que ceux des Français qui vivent ne vivent plus que pour vouloir la libération nationale. Et l'on peut dire aussi que, pour quarante millions de Français, l'idée même de la victoire de confond avec celle de la victoire des Français Libres.
Il, est aisé de s'expliquer qu'a mesure que nous devenions une réalité grandissante et surtout à mesure que se dévoilait l'adhésion secrète de la France, beaucoup d'hommes se soient soucies, chez nous et à l'étranger, de connaître quels sont au juste nos caractères et nos desseins. Si dure et si longue que doit être la guerre, son aboutissement sera un certain ordre national et international. Rien nn plus naturel que de s'interroger sur ce que veut, à ce point de vue,, réaliser cette grande force neuve qui s'appelle la France Libre, en attendant que par la victoire, elle se confonde avec la France tout court.
Il est vrai qu'a cette, question: " que veut la France Libre? ", certains, qui ne lui sont de rien, se hâtent souvent de répondre à sa place. Aussi nous est il arrivé de nous prêter à la fois les intentions les plus contradictoires, soit par l'ennemi, soit par cette sorte d'amis qui, sans doute à force de zèle, ne peuvent contenir à notre endroit l'empressement de leurs soupçons, l'une des rares distractions que
m'accorde ma tâche présente qui consiste à rapprocher parfois ces diverses affirmations. Car il est plaisant d'observer que les Français Libres sont jugés le même jour, à la même heure, comme inclinant vers le fascisme, ou préparant la restauration d'une monarchie constitutionnelle, ou poursuivant le rétablissement intégral de la République parlementaire, ou visant à remettre au pouvoir les hommes politiques d'avant guerre, spécialement ceux qui sont de race juive ou d'obédience maçonnique, ou enfin poussant au triomphe de la doctrine communiste. Quant à notre action extérieure, nous entendons les mêmes voix déclarer, suivant l'occasion ou que nous sommes des anglophobes dressés con la Grande Bretagne, ou que nous travaillons, au fond, de connivence avec Vichy, ou que nous nous fixons comme règle de livrer à l'Angleterre les territoires de l'Empire français à mesure qu'ils se rallient il y a peu d'apparence qu ce que nous pourrons dire ou faire pour mettre un terme à ces allégations. Mais il y a quelque importance à ce que nous affirmions devant nous mêmes et devant les autres, quelle est notre politique. "
Les commentaires récents