Le grand retour du pétainisme
Il y a 27 ans, Philippe Séguin dénonçait un « Munich social ». Cet esprit munichois se répandait dans tous les domaines. Comme l’histoire nous l’a appris, après Munich, il y a Vichy. Osons nommer la cause de nos malheurs : l’Occident en général, l’Europe, la France en particulier, vivent depuis des années le grand retour du pétainisme et en subissent les conséquences de plus en plus délétères. Il ne s’agit pas de l’idéologie pétainiste qui était dans le programme de la révolution nationale de Vichy. Il s’agit plutôt de ce que l’on pourrait appeler le pétainisme psychologique, l’état d’esprit pétainiste, que Pétain et les pétainistes de 1940 n’ont pas inventé, parce qu’il est aussi vieux que l’humanité, mais dont ils ont été la dernière incarnation en date, et avec quelle intensité, dans l’histoire de France. L’état d’esprit pétainiste, il est dans l’injonction : Français vous devez souffrir, vous devez vous soumettre, vous devez obéir parce que vous devez expier. Il est dans « Français vous devez expier vos fautes, » Français nos relâchements sont la cause de notre défaite ». Il est dans la peur comme ressort de l’obéissance. Il est dans la culpabilisation comme légitimation de la soumission et de la punition. Le pétainisme c’est l’esprit de la collaboration opposé à l’esprit de résistance. C’est l’esprit du sauve-qui-peut qui marchande l’honneur, la fierté, l’estime de soi, la liberté. Inavoué, inassumé, le penchant pétainiste est la seule expression qui me vient à l’esprit pour nommer la profonde crise morale qui nous a conduit dans la situation où nous nous trouvons et qui nous y enferme. Crise morale et non crise de moral, comme le répétait Philippe Séguin.
Pour faire bref :
- Pétainisme économique : politique sacrificielle, politique d’austérité, vous devez vous serrer la ceinture, parce que vous devez expier vos fautes. Quelle faute ? Vous avez trop bien vécu ! La rédemption économique, donc, par la souffrance. Nous n’avons pas fini d’expier. En 2017, un candidat à la présidence de la république ne répondait-il pas à une infirmière qui déplorait le manque d’effectifs et de moyens des soignants : « je ne vais quand même pas augmenter la dette de la France » ?
- Pétainisme culturel : en pactisant avec les minorités agissantes, en acceptant une soumission à leurs dictats. Nous leur laissons le champ libre dans les universités, nous leur livrons des quartiers, nous consentons à ce qu’ils interdisent de parole ceux qui les dérangent… Nous fermons les yeux, nous baissons la tête, certains se mettent même à genoux. « Français vous devez expier vos fautes ». Lesquelles ? D’être ce que vous êtes, d’être des enfants du christianisme, de l’humanisme, des Lumières, de la République. Vous devez demander pardon pour votre culture, votre histoire votre civilisation, d’être la France, d’être l’Occident. Nous n’avons pas fini d’expier.
- Pétainiste scolaire : ses mots d’ordre sont « pas d’ennuis », « pas de vague ». C’est l’état d’esprit pétainiste qui laisse les résistants sans défense, qui les livre aux violents, aux fanatiques, aux totalitaires… Si les résistants sont agressés, c’est de leur faute, ils l’ont bien cherché… Au bout, pas de censure officielle, les apparences sont sauves. Mais l’autocensure, la censure qui ne dit pas son nom, la censure qui n’a pas besoin d’être imposée du dehors, qui vient du dedans de l’être, la pire de toutes. Le pétainisme ne combat pas le totalitarisme, il finit toujours par s’en faire l’instrument.
- Pétainisme sanitaire : il a contaminé tout l’Occident « la cause de notre défaite est dans notre relâchement » et notre « esprit de jouissance »… Et pour faire obéir les peuples, rien de tel que la politique de la peur, la pire de toutes les politiques, la pire psychologiquement, la pire moralement, celle qui fait remonter à la surface ce qu’il y a de pire dans l’homme, celle qui sépare les gens, qui les dresse les uns contre les autres, qui conduit à la délation, à la violence aveugle, celle qui fabrique des boucs émissaires, la politique de toutes les tyrannies. La peur qui ne se maîtrise plus, la peur qui fait des peuples d’esclaves. La peur que l’épidémie réveille et avec laquelle il ne faut jamais jouer, qu’il ne faut jamais manipuler, même pour une bonne cause, parce que c’est un jeu trop dangereux.
On pourrait allonger la liste de tous les accommodements honteux, des misérables petits arrangements dont nous sommes tous coupables soit de les avoir approuvés, soit de les avoir supportés. L’état d’esprit pétainiste : celui qui pousse un peuple à se coucher en croyant se mettre ainsi à l’abri. Mais un peuple qui se couche, c’est un peuple qui prend le risque d’être piétiné.
Henri Guaino
Ex Conseiller spécial du Président de la république française Nicolas Sarkozy
Ex député français
Président d'honneur de Notre France
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