MESSAGE
de Jacques MYARD
Membre Honoraire du Parlement
Maire de Maisons-Laffitte
Président du Cercle Nation et République
Président de l'Académie du Gaullisme
Le 29 MAI 2020
“Plus d’Europe” : le mantra d’Emmanuel Macron a-t-il du sens ?
" En ce temps de crise de pandémie, le débat européen a repris de plus belle. Les tenants du « plus d’Europe » prônent à chaque crise d’intégrer encore davantage l’Union Européenne, mettant son échec sur le compte d’une insuffisance d’Europe fédérale.
La figure de proue de cette thèse est aujourd’hui le Président Macron qui ne manque jamais d’appeler à une « souveraineté européenne » qui supplanterait les souverainetés nationales des Etats membres.
« Toujours plus d’Europe », fuite en avant idéologique
Lors des dernières élections européennes, il a ainsi envoyé à tous les médias une lettre, véritable épître à la manière de Saint Paul, appelant à une Europe fédérale. Cette missive a fait un flop et suscité de la colère parmi de nombreux Européens qui n’ont pas apprécié d’être chapitrés par le président français.
Ce « toujours plus d’Europe » est en réalité une fuite en avant idéologique bien éloignée des réalités.
Le monde politique allemand, quant à lui, n’a eu de cesse de prendre le contrepied des positions exprimées par Emmanuel Macron, et cela au plus haut niveau : demande du partage de notre siège au Conseil de Sécurité des Nations unies, abandon de Strasbourg comme siège du Parlement européen, lettre ouverte d’Annegret Kramp-Karrenbauer (AKK) en réponse à Emmanuel Macron prônant le retour à plus de coopération intergouvernementale en Europe.
Le 5 mai dernier, la Cour constitutionnelle fédérale allemande a rendu un arrêt qui, en cette période de crise pandémique, a provoqué une certaine panique dans le monde technocratique de la zone monétaire haletante de l'euro.
La cour constitutionnelle fédérale allemande s’en mêle
La Cour critique fermement la politique d'achat des OAT (bons du Trésor) par la BCE, estimant que l'action de la BCE ne répond pas au principe de proportionnalité (article 5-1 et 5-4 ) du TUE : « En vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l’action de l’Union n’excèdent pas ce qui nécessaire pour atteindre les objectifs des traités. »
La Cour relève que la politique d'achat de la BCE est de nature à mettre en échec la responsabilité de la Diète fédérale en matière budgétaire - le Bundestag - telle qu'elle est établie par la Loi fondamentale.
En conséquence, la BCE est tenue d'expliquer sa politique d'achat des bons du trésor, si cette politique répond au critère de proportionnalité — pas plus de 33% d'OAT pour un seul Etat et en proportion de la part du capital de la BCE. A défaut de réponse de la BCE dans les 3 mois, la Cour de Karlsruhe ordonnera à la Bundesbank de cesser de participer à ces achats de dette publique.
Le 18 mai dernier, un pré-accord a été conclu entre la chancelière Merkel et le Président Macron pour permettre un emprunt de 500 milliards d’euros par la Commission de Bruxelles. Est-ce là une nouvelle donne européenne ?
Le bras de fer ne fait que commencer
Les fameux 500 milliards d’euros « lâchés » par Merkel ne sont, en réalité, que l’acceptation d’avoir un budget doublé dans les trois ans à venir, financé par l’emprunt, mais il reste à déterminer : - Qui bénéficiera de cette manne ? Quelles politiques de l’UE seront bénéficiaires ? - L’attribution se fera-t-elle dans le cadre des politiques actuelles ? - Quelles conditions d’attribution des fonds : subventions ou prêts ?
• Les pays qui recevront ces fonds devront-ils respecter des conditions de réforme et être de fait placés sous la tutelle de la Commission ?
• Tous les États de l’UE seront-ils d’accord ?
•
La partie de bras de fer ne fait que commencer.
Au demeurant, le débat se portera d’abord en Allemagne car les traités n’autorisent pas les emprunts par la Commission. Les braves juges de Karlsruhe vont sans doute rappeler que l’article 125 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) interdit à l’Union « de répondre des engagements des administrations centrales ». De plus, nombre de députés allemands sont hostiles à ce processus d’emprunts.
Mais une chose est certaine, cet emprunt s’inscrit dans le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 du budget, il ne s’agit pas de créer un budget de la zone euro dont la fragilité s’accroît. Les prétendus « engagements allemands » pour un budget de la zone euro que le Président Macron croit déceler dans des propos de la chancelière relèvent de l’autosuggestion.
Sur ce point majeur, l’Allemagne refuse de payer, on ne peut nourrir aucun doute à ce titre.
L’Union européenne dans l’impasse
L’Union européenne est donc dans une impasse. L’alternative est simple : poursuivre une Europe chimérique ou construire une Europe des coopérations, à la carte, tout en conservant un marché intérieur plus adapté avec l’abandon du « tout concurrence » et la mise en place d’une politique industrielle pour protéger nos entreprises.
Quant à la zone euro, elle est née avec le handicap congénital, celui de ne pas reposer sur une zone économique optimale ; nombre d’Etats du Nord refusent d’assurer sa transformation en union de transferts pour maintenir hors d’eau les fameux PIGS — Portugal, Italie, Grèce et Espagne — auxquels il convient d’ajouter la France, qui subissent une monnaie trop forte, alors qu’elle est trop faible pour l’Allemagne. C’est la quadrature du cercle.
La réalité éclate désormais : le Traité de Maastricht (1992) a créé une UE artificielle et non viable ; les règles qu’il a instituées sont autant de carcans économiques inadaptés au temps de crise. Les Etats devraient décider de se libérer de ces règles obsolètes, en rétablissant, par exemple, les avances gratuites et perpétuelles des banques centrales aux Etats pour financer les investissements et relancer l’économie sans emprunter, comme cela existait avant 1992, n’en déplaise à l’Allemagne !
A défaut, l’UE est dans une impasse mortifère dont l’éventualité de survie s’éloigne comme l’horizon."
VALEURS ACTUELLES A PUBLIE MON ARTICLE DANS SON SITE INTERNET LE 28 MAI 2020
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