Pour être tout à fait franc, je ne m'attendais pas vraiment à une réponse de sa part, mais, à sa décharge, il faut avouer qu'il a été vraiment très occupé cette semaine. Et puisqu'il n'a pas estimé souhaitable de s'adresser à son peuple, alors je persiste à lui poser des questions, à lui faire part des mes inquiétudes. J'aurai même l'outrecuidance de lui suggérer quelques mesures de bon sens, sans démagogie.
La semaine a plutôt mal commencé avec la décision égyptienne d'ouvrir de manière permanente le terminal de Rafiah entre la bande de Gaza et le Sinaï égyptien. Le gouvernement m'a semblé avoir été complètement pris au dépourvu. Ce n'est que mercredi que le conseiller du ministère de la Défense, Amos Guilad, est parti au Caire, pour quelques heures, afin d'évoquer avec les autorités égyptiennes cette ineptie qui met en danger non seulement la sécurité d'Israël, mais aussi celle de l'Egypte elle-même. On ignore d'ailleurs si ces entretiens ont été fructueux.
Pendant ce temps, entre dimanche et mercredi, pour être très précis, Israël a autorisé le passage, par le terminal de Kerem Shalom, vers la bande de Gaza, vous savez, cette "prison à ciel ouvert où on meurt de faim", de 939 camions chargés de produits de première nécessité, mais aussi des voitures neuves.
Moi qui suis un citoyen israélien bête et indiscipliné, je me dis que nous marchons sur la tête. A partir du moment où un terminal est ouvert de manière permanente entre l'Egypte et Gaza, il n'y a plus de blocus, Israël n'est donc plus responsable de la situation humanitaire. Nous ne sommes donc plus tenus, même par la loi internationale, de fournir de l'eau, de l'électricité, d'autoriser l'acheminement par notre territoire de marchandises pour le bénéfice de nos ennemis.
On peut citer de nombreux exemples de pays n'ayant pas de relations avec leur voisin dont la frontière est strictement fermée. La Corée du sud, qui a interrompu tout passage de marchandise depuis le 26 mars 2010 vers la Corée du Nord, est-elle accusée d'assiéger ses frères du Nord, de les affamer, de commettre un génocide? Non, car Pyongyang dispose d'une frontière avec la Chine qui autorise les échanges commerciaux. Mais j'aurais pu prendre d'autres cas, comme les frontières fermées entre le Maroc et la Mauritanie, la liste serait fastidieuse.
Donc, pourquoi ne fermons-nous pas les points de passage?
Une deuxième mesure s'impose également : une offensive de la Hasbara dans les médias internationaux pour démontrer que la flottille, qui se prépare à "forcer le blocus israélien sur Gaza", aux environs du 20 juin, n'est que pure provocation puisque les "gentils militants pacifistes" peuvent dorénavant accoster tranquillement à Alexandrie ou El Arish pour acheminer à Gaza, par la route et sans crainte "d'être agressés, voire assassinés par la soldatesque sioniste", les produits de première nécessité pour soulager la population.
On pourrait aussi organiser une flottille qui tenterait d'accoster en Turquie en soutien à la population kurde, ou bien affréter un navire qui voguerait tranquillement sur le Bosphore avec d'immenses banderoles demandant la reconnaissance par la Turquie du génocide arménien. Les autorités d'Ankara seront certainement ravies…
Lundi, je crois halluciner. Les terroristes du Hamas incarcérés dans les prisons israéliennes affirment, qu'il y aurait des "avancées" dans les négociations pour la libération de Guilad Shalit. Ils en veulent pour preuve le fait qu'ils ont reçu une liste de détenus qui seraient libérés dans le cadre d'un échange. Les terroristes prétendent que cette liste précise également les pays vers lesquels ils seront expulsés.
Aucune réaction du gouvernement, du ministre de la Sécurité intérieure, du ministre de la Justice, de l'opposition. Personne n'est choqué. Ainsi, la "dolce vita" continue pour les terroristes dans nos prisons. Ce sont eux qui négocient, qui donnent ou pas leur accord, qui reçoivent des documents par internet sur leurs téléphones portables ou sur leurs ordinateurs et les impriment ensuite sur les imprimantes mises à leur disposition par l'administration pénitentiaire. Il faudrait penser à les inviter au ministère de la Défense pour négocier de vive voix avec eux en sirotant le thé, ce serait tout de même plus agréable et plus pratique…
Mais négocier quoi ?
C'est vrai, j'oubliais, nous avons un gosse qui croupit depuis presque 5 ans chez les terroristes…
Nous avons eu droit aussi au feuilleton de l'Ofergate. Les frères Ofer, première fortune d'Israël, propriétaires, entre autres, de la compagnie maritime Zim, sont accusés par les Etats-Unis, de commercer avec l'Iran. Le président de la Commission des Affaires économiques de la Knesset, Carmel Shama Hacohen (Likoud), exige des éclaircissements, décide la réunion d'urgence de la commission à laquelle les frères Ofer refusent d'envoyer un représentant. Shama Hacohen ouvre la séance, reçoit, après 15 minutes de débat, un mystérieux message écrit sur un bout de papier, et décide d'ajourner sine die les travaux de la commission.
Selon certaines sources, il pourrait s'agir d'une injonction du Mossad. Les navires des frères Ofer ayant ancré en Iran auraient servi à exfiltrer des agents, dont ceux suspectés d'avoir éliminé le terroriste du Hamas Al Mabhouh à Dubaï au début 2010. Si tel est le cas, pourquoi le Premier ministre, chef du Likoud, n'a-t-il pas prévenu Shama Hacohen pour le dissuader de convoquer la commission? Mais s'il n'y a pas de justification sécuritaire, que nous cache-t-on ? Cafouillage ou protection des puissants ?
Moi, l'Israélien moyen, toujours aussi bête, indiscipliné et certainement naïf, je pense que Binyamin Netanyahou était absorbé par le dossier de la Naksa (le revers, le retrait) qui sera célébrée le dimanche 5 juin en souvenir du début de la guerre des Six-Jours de 1967. Les Palestiniens sont vraiment très surprenants, ils fêtent même leur défaite. Cela pourrait prêter à sourire, mais ils auraient tout de même l'intention d'organiser une nouvelle marche "pacifique" aux frontières d'Israël, comme ce fut le cas le 15 mai dernier pour la Nakba.
Et il ne s'agirait que d'une répétition avant "la marche du million", prévue pour septembre. Le jour de la demande de reconnaissance d'un Etat palestinien, un million de pseudo-réfugiés tenteront de retourner dans leur "pays", dans les frontières de 67. Une action théâtralisée pour les médias internationaux : un million de "pacifistes" arabes seront face à des militaires israéliens lourdement armés de pied en cape. Les appareils photos vont crépiter.
Finalement, je ne suis peut-être pas si bête et naïf que cela, tout en revendiquant mon indiscipline. Car je ne suis pas tout seul à être inquiet. Plusieurs ex-responsables sécuritaires qu'on appelle ici "bitkhonistim", des anciens directeurs du Mossad et du Shin Bet, des ex-chefs d'état-major, délivrés de leur devoir de réserve, exhortent le pouvoir à prendre des initiatives avant que la situation ne devienne incontrôlable. Ils ne sont ni des dangereux gauchistes, ni des illuminés d'extrême-droite, personne ne peut remettre en cause leur loyauté, s'ils sont inquiets, légitimement j'ai le droit, nous avons le droit, nous aussi, de nous poser des questions.
Il y a quelques jours, le directeur du Shin Bet, Youval Diskin, faisait ses adieux. En prenant congé, il se déclarait assez pessimiste et appelait les dirigeants de notre pays à se préparer au pire. Il qualifiait même le mois de septembre de "mois de m…"
"Bibi, le temps presse, le statu quo n'est pas une option politique".
Heureusement qu'il y eut, cette semaine, le Yom Yeroushalaïm pour nous redonner la joie et la confiance.
"Shabbat Shalom, Bibi, et bon courage pour la semaine prochaine. "Ein Bréra" (nous n'avons pas le choix), nous sommes avec toi pour le meilleur et pour le pire".
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