Le Yom Haatsmaout est une journée vraiment magnifique en Israël. Dans tout autre pays, la fête nationale est l'occasion de rappeler la cohésion de la Nation dans le meilleur des cas, mais c'est aussi et surtout un jour de congé.
Il est vrai, pour être honnête, que fêter la prise de la Bastille qui n'existe plus, depuis le 14 juillet 1789, ou la prestation du premier roi des Belges sur la constitution de la Belgique (dont on se demande si elle va continuer d'exister) tous les 21 juillet depuis 1831, ne revêt pas la même signification que célébrer la proclamation de l'indépendance d'un Etat si particulier, il y a 63 ans.Dans notre pays, il ne s'agit plus d'unité, mais d'une véritable communion. Les édifices publics, les rues, les terrasses, les balcons et même les voitures sont pavoisés de nuées de drapeaux bleus et blancs frappés de l'étoile de David. Après avoir vécu une journée difficile la veille, dans le souvenir de ceux qui sont tombés pour que nous puissions vivre en Juifs libres sur notre Terre, les Israéliens sont soudain, heureux, souriants, attentionnés. En ce jour de la fête de l'Indépendance, on ne réclame plus contre l'Etat, le gouvernement, la vie chère, les impôts, nous sommes comme les supporters d'une équipe de foot scandant le slogan mythique : "tous ensemble".
On sacrifie au traditionnel barbecue qu'on installe partout où c'est possible dans les jardins publics, sur la plage, dans les parcs nationaux aménagés à cet effet. On vient voir et complimenter Tsahal dans les bases militaires qui sont ouvertes au public pour l'occasion, avec les gosses qui grimpent sur les chars ou les avions, sous l'œil bienveillant des soldats qui vantent les performances du matériel. Les routes sont embouteillées, les terrasses sont bondées, bref, c'est la fête.
Mais on peut aussi rester à la maison et regarder sur le petit écran, la retransmission d'un spectacle, en direct de la résidence officielle du président, où l'on peut entendre Shimon Peres, Binyamin Netanyahou, Ehoud Barak, le chef d'état-major Benny Gantz et les plus prestigieux généraux de Tsahal chanter les vieilles chansons israéliennes en présence d'un public composé des parents des 120 soldats les plus méritants qui recevront, à l'issue du spectacle, un diplôme des mains du président de l'Etat.
Parmi eux, un nouvel immigrant du Kazakhstan ayant fui ce pays avec ses parents parce que maltraité en tant que juif, qui remercie Tsahal de lui avoir donné la chance d'apprendre un métier. Et un soldat de l'unité d'élite Guivati, originaire du Pérou, dont le père est si fier qu'il pleure, une jeune femme officier médecin d'origine russe, qui raconte que lorsqu'elle part en opération avec son unité, elle soigne, bien sûr, les militaires, mais aussi les civils blessés, sans leur demander s'ils sont Israéliens ou Palestiniens, c'est cela aussi Tsahal, explique-t-elle.
Et puis, il y a Haïm Stachewsky, soldat de première classe, dans une unité spéciale informatique. Haïm a 26 ans, il est ultra-orthodoxe, originaire de Safed, a étudié dans une yeshiva (école talmudique) de Bney Brak et s'apprête à recevoir une formation d'officier. Il voit son engagement militaire comme une mission, "afin de faire connaître ma communauté", dit-il. Mais celle-ci ne partage pas le choix et la loyauté de Haïm à l'égard de l'Etat d'Israël. "Mes amis et même ma famille, sauf mon épouse et ma mère, ont cessé toute relation avec moi. Ils me pleurent comme si j'étais mort", révèle-t-il avec souffrance. Un proche lui a téléphoné pour lui annoncer qu'il allait prier pour l'échec de sa carrière militaire. Un autre, pour lui demander comment il va, lui lance : "comment cela se passe-t-il chez les Sionistes?", en accompagnant ce dernier terme de quelques insultes.
Pour Haïm, le mot "sionisme", n'est pas une injure, il n'y a pas d'incompatibilité entre sionisme et Halakha (loi juive).
Toutes les composantes du Peuple Juif se doivent de participer à l'effort pour la pérennité d'Israël. Au sein de la population laïque, guettée par un manque de patriotisme et une perte des valeurs juives et sionistes, mais aussi au sein de la population ultra-orthodoxe qui vit en majorité de l'assistanat d'un Etat sioniste dont elle rejette les valeurs. La prière peut aider, elle est un élément positif, mais qui veillera sur Israël, sur le Peuple Juif dont font partie les Haredim, si ce n'est son armée?
Mardi, dans le public, sur la pelouse de la résidence du président de l'Etat, à Jérusalem, l'épouse et la mère de Haïm étaient fières et, à travers elles, tout Israël.
"Haïm, tu es un Tsaddik, tu es l'avenir de ce pays".
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