Thomas L. Friedman est un célèbre journaliste américain, éditorialiste au New York Times, lauréat du prix Pulitzer. Il connait bien le Proche-Orient puisqu'il fut le chef du bureau du quotidien new yorkais à Beyrouth, puis à Jérusalem.
Thomas L. Friedman a des idées et des certitudes sur tout. Il sait ce qui est bon pour l'Amérique et prodigue régulièrement Israël de ses précieux conseils. Il est l'incarnation vivante de cette communauté juive américaine bien intégrée depuis plusieurs générations.
Thomas L. Friedman ne se trompe jamais.
Il a soutenu la décision du Président Bush, pour lequel il n'avait cependant pas beaucoup de sympathie, d'intervenir militairement en Irak, après le cataclysme du 11 Septembre, estimant que l'armée américaine apporterait la démocratie aux pays arabes. Il fustigea, à l'époque, l'attitude de la France, qu'il traita d'"ennemie". Dans un de ses éditoriaux de l'époque, il écrit, concernant les armes de destruction massive supposément détenues par l'Irak : " Pour obtenir d'une brute comme Saddam qu'il coopère, il ne s'agit pas de tripler le nombre d'inspections, mais de tripler la menace d'une intervention des forces de l'ONU s'il refuse de s'exécuter".
Mais moins d'un an plus tard, il change d'avis : "On a justifié cette guerre en disant que Saddam Hussein avait développé des armes de destruction massive qui représentaient un danger à long terme pour les États-Unis. Je n'ai jamais cru à cette explication. Bush et Blair ont dramatisé l'argument des armes de destruction massive pour faire croire qu'ils n'avaient pas eu d'autre choix que la guerre"…
Thomas L. Friedman a couvert, pour son journal, les derniers évènements qui se sont déroulés en Egypte provoquant la chute du président Moubarak. Dans son dernier éditorial, il estime que les tyrans arabes, parce qu'ils sont illégitimes, sont responsables de la haine à l'égard d'Israël. Pour lui, Moubarak est un méchant dictateur depuis 30 ans. Etonnante découverte pour un spécialiste du Proche-Orient qui n'a jamais rien écrit sur les droits bafoués du peuple égyptien sous l'horrible dictature du Raïs.
Mais Thomas L. Friedman a une solution : il enjoint à Israël de "finaliser l'accord" (finalize the deal) avec les Palestiniens, ce qui permettrait d'avoir un monde arabe plus démocratique, donc plus stable.
C'est aussi simple que cela…
Pourtant, récemment, après l'échec des derniers pourparlers directs entre Netanyahou et Abbas, Thomas L. Friedman conseillait au Président Obama, dans un éditorial, de laisser "tomber" les Israéliens et les Palestiniens, (leave them alone) et de ne plus perdre son temps à tenter de les mettre d'accord.
Ce fut bien la première fois que je partageais l'avis de cet "éminent" spécialiste du conflit proche-oriental.
Oui, Mister Friedman, fichez-nous la paix ! (leave us alone !)
Vous estimez que la priorité des Etats-Unis est sa croissance économique et que nous devons assumer notre incapacité à résoudre le conflit avec nos voisins. Dont acte. Nous, Israéliens, sommes prêts à renoncer à votre aide annuelle, votre président utilisera certainement à bon escient les trois milliards de dollars ainsi économisés.
Votre pays n'a pas démontré, lors de la crise égyptienne, une gestion diplomatique qui permette de rassurer ses alliés. Nous ne sommes certainement pas opposés à l'aspiration légitime des peuples arabes à la démocratie.
Mais imaginer qu'un accord israélo-palestinien (dont la solution serait trouvée en un claquement de doigt yankee) permettra à ces peuples de s'affranchir du joug de la tyrannie ne peut qu'être le fruit de la réflexion d'un cerveau américain un peu naïf et enfantin, prenant la charge de la cavalerie héroïque pour une réalité.
Israël est un allié des Etats-Unis, je dirais même le seul allié stable et digne de confiance. Nous ne sommes pas un satellite, une colonie ou un Etat américain. Washington ne soutient pas Jérusalem pour les yeux des belles israéliennes, mais parce que nous sommes d'une importance stratégique cruciale. Donc, nous avons besoin du droit de veto américain contre les majorités automatiques, mais Obama ne peut se passer du confetti israélien et la pression à coup de 3 milliards de dollars ne peut plus fonctionner comme ce fut le cas dans le passé. On nous achète pas et nous avons plus de 20 ans d'aide d'avance, à force d'avoir soutenu votre dollar.
Il faudrait aussi que l'oncle Tom Friedman, ce riche oncle de Diaspora, comprenne que l'ère des conseils paternalistes au peuple israélien est révolue, quand bien même est-on tranquillement assis sur une fortune de 3 milliards de dollars (tiens, justement 3 milliards de dollars…) dans sa banlieue de Washington.
A nous Israéliens, pour une fois, de donner un conseil à Thomas Friedman : ses deux filles, qui sont nées en Israël, ont encore la possibilité de faire leur service militaire dans notre pays. Il pourrait ainsi ressentir nos appréhensions, nos inquiétudes, nos doutes, nos douleurs, mais aussi nos joies et nos fiertés. Il pourrait même, en habitant notre Terre d'Israël, être soumis à toutes les charges qui nous incombent et profiter des droits que nous avons obtenus et ainsi participer pleinement au beau projet sioniste tout en ayant acquis, alors, mais seulement alors, le privilège de deviser sur ce qui est bon ou pas pour notre Etat.
Je l'invite à accomplir cette démarche comme j'invite tous les Juifs de Diaspora à retourner à Sion.
Bien sûr, Oncle Tom, vous n'êtes pas obligé de suivre ni même d'entendre nos conseils.
Bien sûr, Oncle Tom, vous avez le droit de nous prodiguer des conseils et de nous faire la leçon.
Mais, bien sûr, nous avons le droit, et peut-être même le devoir, de ne pas vous écouter, dans l'intérêt suprême de l'Etat d'Israël.
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