Changement de place
Après avoir fermé la porte derrière l’invité qui venait de quitter la maison, elle s’appuya avec ses dernières forces contre le mur,de peur de s’évanouir. Elle tremblait de tous ses membres et eut besoin de plusieurs minutes avant de retrouver son calme.
Quand elle revint s’asseoir à table, face à son mari, elle pleurait.
– Qu’y a-t-il ? lui demanda-t-il inquiet, de son comportement inhabituel.
– Non, rien, juste un peu de nervosité, bredouilla-t-elle sur un ton peu convaincant.
– Il y a quelque chose. Dis-moi, regrettes-tu d’avoir offert un repas à ce pauvre qui avait si faim ? – Non, non, D.ieu m’en préserve ! Il était midi.
Son mari était un commerçant aisé ; chaque jour il rentrait déjeuner et elle lui préparait un bon repas afin qu’il apprécie ce
court instant de répit qu’il passait à la maison. C’était un homme généreux, discret, simple.On voyait que la vie n’avait pas toujours été facile pour lui; sa femme ne connaissait pas grand-chose de son passé, si ce n’est qu’il avait été très pauvre, au point d’en être réduit à mendier du pain. Sa situation s’était améliorée et petit à petit il s’était même enrichi.Mais il n’avait pas oublié les épreuves d’avant : il était resté simple et donnait de l’argent à toute sortes de bonnes oeuvres, à tous ceux qui tendaient la main.
Au moment où il s’asseyait pour manger, on avait toqué à la porte. Il avait l’habitude de ces visites impromptues où on lui demandait de l’argent pour telle ou telle cause. Jamais il ne s’énervait :
il avait toujours quelque chose à donner, avec des paroles d’encouragement en plus. Mais cette fois-ci, l’homme qui se présentait à la porte faisait vraiment pitié : “Cela fait des jours que je n’ai rien mangé, dit-il. Donnez-moi, ne serait–ce qu’un morceau de pain !” Le maître de maison se rappela que lui-même avait souffert de la faim. Il se tourna vers sa femme :
“Donne-lui mon repas”.
Et effectivement, le plat qu’elle avait préparé avec tant de soin fut avalé en quelques minutes par le pauvre affamé qui n’oublia pas de les remercier et de les bénir tous deux pour cette bonne action.
L’homme était sorti, et le mari ne comprenait pas pourquoi sa femme était si bouleversée.
Elle avait bon coeur, et sûrement ne regrettait-elle pas cette action de bienfaisance. Finalement, elle expliqua sa conduite.
– Avant de me marier avec toi, j’étais mariée à un autre. Lui aussi était très riche, et à lui aussi je préparais de bons petits plats comme je le fais pour toi maintenant. Nous habitions au Caire, dans un beau quartier. Mais mon mari avait un grand défaut : il était avare et n’aimait pas donner la Tsedaka. Il m’interdisait, même à moi, d’ouvrir la porte aux nécessiteux et de leur donner à manger, et cela me faisait beaucoup de peine.Toute la ville finit par savoir qu’il ne servait à rien de venir chez nous, que mon mari ne donnerait jamais une pièce à un pauvre. Cela m’attristait beaucoup, mais que pouvais je faire, je ne voulais pas me fâcher avec lui.Un jour, alors qu’il rentrait à midi comme d’habitude, on frappa à la porte. Mon mari qui venait de commencer son repas, demanda : “Qui est-ce ?”
Et une voix faible répondit : “Je suis un pauvre Juif, donnez-moi un peu de pain, je n’ai rien mangé depuis si longtemps !” Mon mari se mit en colère : “Va-t-en de là ! On ne peut plus manger tranquillement ! Ces gens-là ne manquent pas d’audace !”
Et moi, mon coeur se brisa devant tant de méchanceté.
À partir de ce jour, la roue tourna. Ses affaires allèrent de plus en plus mal, il perdit beaucoup d’argent. Nous avons même été obligés de vendre notre maison pour payer les créanciers et nous sommes restés sans rien.Nous avons alors décidé de divorcer, pour que l’un ne soit pas un fardeau pour l’autre et nous sommes partis chacun de son coté.
Depuis, je ne l’ai plus revu. La femme s’arrêta un instant. Elle reprenait son souffle.
– J’ai entendu dire qu’il en était réduit à mendier de porte en porte. Sais-tu qui était ce pauvre homme qui vient de sortir de chez nous ? C’était mon premier mari !
Maintenant, son mari était lui aussi bouleversé du plus profond de son âme. Finalement, il dit : “Et moi, je connais bien
l’homme que ton mari avait chassé de sa maison : c’était moi !”
Shabbat Chalom à tous
Quand elle revint s’asseoir à table, face à son mari, elle pleurait.
– Qu’y a-t-il ? lui demanda-t-il inquiet, de son comportement inhabituel.
– Non, rien, juste un peu de nervosité, bredouilla-t-elle sur un ton peu convaincant.
– Il y a quelque chose. Dis-moi, regrettes-tu d’avoir offert un repas à ce pauvre qui avait si faim ? – Non, non, D.ieu m’en préserve ! Il était midi.
Son mari était un commerçant aisé ; chaque jour il rentrait déjeuner et elle lui préparait un bon repas afin qu’il apprécie ce
court instant de répit qu’il passait à la maison. C’était un homme généreux, discret, simple.On voyait que la vie n’avait pas toujours été facile pour lui; sa femme ne connaissait pas grand-chose de son passé, si ce n’est qu’il avait été très pauvre, au point d’en être réduit à mendier du pain. Sa situation s’était améliorée et petit à petit il s’était même enrichi.Mais il n’avait pas oublié les épreuves d’avant : il était resté simple et donnait de l’argent à toute sortes de bonnes oeuvres, à tous ceux qui tendaient la main.
Au moment où il s’asseyait pour manger, on avait toqué à la porte. Il avait l’habitude de ces visites impromptues où on lui demandait de l’argent pour telle ou telle cause. Jamais il ne s’énervait :
il avait toujours quelque chose à donner, avec des paroles d’encouragement en plus. Mais cette fois-ci, l’homme qui se présentait à la porte faisait vraiment pitié : “Cela fait des jours que je n’ai rien mangé, dit-il. Donnez-moi, ne serait–ce qu’un morceau de pain !” Le maître de maison se rappela que lui-même avait souffert de la faim. Il se tourna vers sa femme :
“Donne-lui mon repas”.
Et effectivement, le plat qu’elle avait préparé avec tant de soin fut avalé en quelques minutes par le pauvre affamé qui n’oublia pas de les remercier et de les bénir tous deux pour cette bonne action.
L’homme était sorti, et le mari ne comprenait pas pourquoi sa femme était si bouleversée.
Elle avait bon coeur, et sûrement ne regrettait-elle pas cette action de bienfaisance. Finalement, elle expliqua sa conduite.
– Avant de me marier avec toi, j’étais mariée à un autre. Lui aussi était très riche, et à lui aussi je préparais de bons petits plats comme je le fais pour toi maintenant. Nous habitions au Caire, dans un beau quartier. Mais mon mari avait un grand défaut : il était avare et n’aimait pas donner la Tsedaka. Il m’interdisait, même à moi, d’ouvrir la porte aux nécessiteux et de leur donner à manger, et cela me faisait beaucoup de peine.Toute la ville finit par savoir qu’il ne servait à rien de venir chez nous, que mon mari ne donnerait jamais une pièce à un pauvre. Cela m’attristait beaucoup, mais que pouvais je faire, je ne voulais pas me fâcher avec lui.Un jour, alors qu’il rentrait à midi comme d’habitude, on frappa à la porte. Mon mari qui venait de commencer son repas, demanda : “Qui est-ce ?”
Et une voix faible répondit : “Je suis un pauvre Juif, donnez-moi un peu de pain, je n’ai rien mangé depuis si longtemps !” Mon mari se mit en colère : “Va-t-en de là ! On ne peut plus manger tranquillement ! Ces gens-là ne manquent pas d’audace !”
Et moi, mon coeur se brisa devant tant de méchanceté.
À partir de ce jour, la roue tourna. Ses affaires allèrent de plus en plus mal, il perdit beaucoup d’argent. Nous avons même été obligés de vendre notre maison pour payer les créanciers et nous sommes restés sans rien.Nous avons alors décidé de divorcer, pour que l’un ne soit pas un fardeau pour l’autre et nous sommes partis chacun de son coté.
Depuis, je ne l’ai plus revu. La femme s’arrêta un instant. Elle reprenait son souffle.
– J’ai entendu dire qu’il en était réduit à mendier de porte en porte. Sais-tu qui était ce pauvre homme qui vient de sortir de chez nous ? C’était mon premier mari !
Maintenant, son mari était lui aussi bouleversé du plus profond de son âme. Finalement, il dit : “Et moi, je connais bien
l’homme que ton mari avait chassé de sa maison : c’était moi !”
Shabbat Chalom à tous
Que c'est beau... très moral en tout cas !
Rédigé par : Rony Moine | 03 janvier 2011 à 01:18