Les territoires du terrorisme
Interviewé lundi 4 janvier par nos confrères du Figaro, l’essayiste et économiste Alain Minc, conseiller de nombreux chefs d’entreprise, écouté par le Président français, déclarait voir en 2010 un immense risque stratégique : "l’hypothèse d’un conflit entre Israël et l’Iran". Alain Minc a raison de rappeler qu’il n’est pas possible de "raisonner sans avoir à l’esprit cette plausibilité", mais il a tort d’évoquer seulement "les risques de conséquences économiques très graves qu’elle induit". La neutralisation définitive des programmes nucléaires iraniens coûtera d’abord cher à l’Iran. A l’inverse, ce ne sont pas seulement des conséquences économiques et financières qui bouleverseraient le monde si dem ain Téhéran disposait d’une bombe nucléaire.
Au Moyen-Orient, les Israéliens vivent sous la menace du nucléaire iranien, certes, mais ils ne sont pas les seules cibles, et ils ne sont pas non plus les premières victimes d’un fondamentalisme musulman. Le terrorisme islamique, quelle que soit sa forme (organisé par des mouvements ou par des Etats), multiplie les cibles : Chrétiens du Moyen-Orient, musulmans eux-mêmes, qui sont en réalité les premières victimes de l’Islam radical.
En marge des fêtes religieuses de l’Achoura, la police iranienne a tiré sur la foule, tuant huit personnes dont le neveu d’un des chefs de file de l’opposition, Mir Hussein Moussavi. Dans la rue, courageux et résistant, le peuple iranien a montré qu’il ne voulait pas d’une dictature au nom de la religion. Il en est de même ailleurs, au Liban, en Afghanistan, au Pakistan ou en Egypte. Contenir la menace islamiste est une priorité pour l’ensemble de la région, où Oussama Ben Laden, Hassan Nasrallah ou Ismaïl Hanyeh rêvent de royaumes islamiques.
Deux conceptions de l’Islam s’opposent désormais. L’Islam de la tolérance qui croit à la liberté et dont les représentants considèrent que les valeurs de l’Islam sont compatibles avec celles de la démocratie. Et puis il y a en face l’Islam intolérant qui s’oppose aux valeurs démocratiques et de liberté, un islamisme au prosélytisme violent, partisan d’imposer par la force la loi islamique à travers le monde. L’usage de la force est ici justifié sur le plan idéologique, et tient en une formule : "tuer tous les Croisés". Dans le langage d’Al-Qaïda, les figures contemporaines des "Croisés" sont les infidèles, ces sionistes impérialistes qui pervertissent les musulmans.
Ces deux conceptions de l’Islam s’opposent en tout point. C’est "l’Islam vert" contre "l’Islam noir", pour reprendre la formule chère à Moshen Kadivar, premier grand intellectuel iranien jeté en prison en 1999, et qui enseigne aujourd’hui à l’université de Duke aux Etats-Unis.
La menace terroriste s’origine principalement en Iran. Elle ne cessera pas tant qu’Ahmadinejad sera au pouvoir. Pour réduire ce premier territoire du terrorisme, les services de sécurité et de renseignement doivent faire la preuve de toute leur efficacité.
De ce point de vue, il est évident que la défense des intérêts occidentaux contre la menace islamiste, locale ou internationale, ne passe pas seulement par la stratégie militaire ou la protection des troupes contre les insurgés ou les terroristes, mais par une meilleure connaissances des contextes politiques locaux, une meilleure maîtrise des enjeux politiques. En Afghanistan par exemple, le général Michael Flynn a rappelé cette semaine que le rôle des renseignements américains était de soutenir la contre insurrection et orienter les décideurs politiques.
La lutte contre le terrorisme est donc une chose délicate. En tuant des civils et des insurgés, le risque de multiplier le nombre d’ennemis et d’entretenir un climat d’hostilité à l‘égard des forces étrangères présentes dans les pays concernés.
Au Yémen, où Al-Qaïda multiplie les actes terroristes, le gouvernement affirme qu’une présence militaire étrangère sur son territoire serait contre-productive. Le risque est grand de voir des populations hostiles aux occidentaux adhérer aux idées de ceux qui se présentent comme les gardiens de l’Islam originel.
Détruire l’ennemi ne suffit pas. Il faut d’abord éviter que ses idées ne se répandent. Pour gagner les conflits contre les talibans, il faut d’abord gagner les populations. Les fermiers et les chefs tribaux ne sont pas à négliger, à Kaboul comme à Gaza.
En gonflant le nombre de victimes civiles au cours de la dernière guerre à Gaza, le Hamas cherchait à atteindre un double objectif : attendrir l’opinion publique internationale, mais surtout se rallier les habitants de Gaza, bien conscients que l’armée israélienne n’aurait jamais déclenché son offensive au cours de l’hiver dernier si des roquettes et missiles n’avaient pas été tirés sur le Néguev occidental, avec un acharnement très politique.
Car le terrorisme est l’emploi délibéré de la violence à des fins politiques. Au cœur de cette cynique stratégie mêlant violence et peur, le ressentiment psychologique joue bien un rôle majeur. L’attentat doit être spectaculaire, susciter la panique et l’angoisse dans l’opinion. Les victimes directes ne compteraient pas, utilisées pour susciter l’émoi et la réaction politique. 99% des victimes du terrorisme islamique sont des musulmans.
Le terrorisme est un outil de conquête du pouvoir. Les attentats servent à médiatiser des ambitions politiques macabres et totalitaires, des idéologies dangereuses. Le terrorisme sert aussi le terrorisme. Le versement de rançons, la libération anticipée des prisonniers participent d’une dynamique de la peur.
L’affaire Guilad Shalit le confirme. Le soldat franco-israélien n’est pas seulement l’otage du Hamas à Gaza depuis 1293 jours. Guilad Shalit est une victime du terrorisme. Ce soir, nous pensons à lui..
A la semaine prochaine,
Guy Senbel.
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