Dieudonné prêche l'antisionisme militant dans la banlieue
Par Jean-Louis de La VAISSIERE
GARGES-LES-GONESSE (Val-d'Oise), Quand Dieudonné fait campagne en banlieue parisienne, c'est pour marteler un credo antisioniste visant à persuader des Français précarisés qu'ils vivent dans une société "sous contrôle sioniste" et que leur liberté d'expression est confisquée.
L'humoriste métis d'origine camerounaise, tout de noir vêtu, fend la foule au marché Saint-Just de Garges-les-Gonesse (Val-d'Oise), dans le cadre de sa campagne controversée pour les européennes. Dans cette multitude majoritairement d'origine maghrébine et africaine, sourires, poignées de main, quelques applaudissements mais aussi indifférence ou réserve face à une cause mal comprise.
Arrivés avec le "Dieudobus", ses militants ont distribué des milliers de tracts, s'égosillant pour convaincre que le sionisme est l'origine des maux français. "Attention aux dérapages", avait averti l'un d'eux. Jonathan, 18 ans, qui se définit "non raciste", aime, dans le mouvement de Dieudonné, "la subversion" par la parole, et Hacène, 32 ans, la "vraie liberté d'expression qui laisse les extrêmes s'exprimer".
Les militants venus de creusets divers - communisme, islam, extrême droite ou catholiques traditionalistes - se mettent en rage quand quiconque les soupçonne d'antisémitisme, argumentant que l'antisémitisme fait le lit du sionisme. "Les juifs sont aussi nos potes", assure Antoine, étudiant de 23 ans. Les "sionistes médiatiques" sont en accusation. Yahia Gouasmi, dirigeant du centre chiite Zahra, candidat sur la liste Dieudonné, reproche aux journalistes de "faire le jeu" du Conseil représentatif des Institutions Juives de France.
Même Marine Le Pen, vice-présidente du Front National, est accusée de se rapprocher des institutions "sionistes" et de faire évoluer le FN vers "l'islamophobie": "Marine est en train de sioniser le FN. Se sioniser, c'est la condition pour se dédiaboliser dans l'opinion", tranche Antoine. En dépit de ses liens avec Jean-Marie Le Pen, parrain de sa fille, le comédien renchérit: "on essaie de nous criminaliser en associant notre liste à celle du FN, par tous les artifices habituels, le chantage à l'antisémitisme". Mais "les médias ne peuvent plus nous manipuler.
Il y a internet". "On est dans une société au contrôle sioniste", poursuit calmement Dieudonné, condamné par le passé pour ses propos sur la Shoah. "Continue, Dieudonné", lancent des commerçants. L'un lui offre un vêtement pour enfant. Les militants filment pour internet. Certains commerçants admettent ne pas saisir ce que préconise "la liste antisioniste". "Dieudonné, on l'empêche de parler, il dit des choses qui font mal mais c'est ce que les gens pensent tout bas", soutient l'un. "Il n'a pas de programme", conteste un autre, s'étonnant d'un amalgame d'idées contradictoires. Fatiha Drai, musulmane portant le foulard, distribue force tracts, au nom du combat contre Israël et de ses "crimes à Gaza". "Il faut pousser vos jeunes à aller voter, mes sœurs".
"La France est à genoux, les sionistes ont le monopole, ils ont l'argent, ils dirigent le monde", affirme cette Algérienne d'une famille d'origine juive convertie à l'islam. Israël financerait le sionisme en France et les sionistes français, soutenus par Nicolas Sarkozy, aideraient Israël contre la Palestine: tel est l'antienne maintes fois entendue. Eclat de voix. Deux habitantes juives sont hors d'elle, disant craindre des réactions violentes des jeunes: "Vous ciblez un coin où les gens vivent en paix. Prônez la paix et pas la haine. Le juif est un homme de paix".
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