Lettre ouverte au pape Benoît XVI par le Père Alphonse Owoudou, salésien de Don Bosco
Le 26 mars 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde - Ainsi commençait une intervention d’un « catholique » américain dans une rubrique de WashingtonPost l’autre jour. « Ça suffit, ou plutôt, c’en est trop ! ». Du pape Benoit XVI naturellement, et le titre de son article le disait clair et net : Empeach the Pope ! : Destituons le Pape ! N’oubliez pas qu’il aime son Eglise et démontre qu’un type du genre Ratzinger, qui insulte les musulmans et mène de main de maitre une « institution inventée par des hommes assoiffés de pouvoir temporel », ne saurait évidemment pas parler au nom de Dieu, bien moins encore quand il cache derrière le sceau doctrinal un enseignement non seulement insensé et démodé mais… criminel. Dans son blog, il a eu les réactions qu’il voulait, et quelques observations qu’un « prof » comme lui devrait mémoriser. Enfin…
Oublions la laïcité, insultons l’Eglise
Je voudrais briser le silence apparent qui règne officiellement dans certains milieux catholiques et contribuer, moi aussi à démontrer que ce que Ratzinger enseigne est vraiment absurde et dangereux. Mais je me demande s’il faut dire que c’est Ratzinger ou l’Eglise… c’est-à-dire tout « bon » catholique, tout bon chrétien, tous ceux et toutes celles qui veulent vivre, parler et agir comme Jésus l’aurait fait aujourd’hui. Un peu d’instinct de… conservation : notre bonheur – à vrai dire - notre plaisir, est en danger. En tout cas si l’on le prend d’un certain point de vue évolutif (pensez à Darwin) et, puisqu’une enquête vient de démontrer que 57% des français ont une image négative du pape. Et quand les Français rejettent le pape Benoît XVI, il est dans un mauvais plat, puisque la France est quand même la « fille ainée de l’Eglise ». Oublions la laïcité, cette distinction qui interdit que l’Eglise se mêle de la vie de l’Etat, et qu’en retour celui-ci s’en prenne au chef de l’Eglise pendant qu’il défend les convictions de son institution. Oublions, c’est un peu complexe. J’entre moi aussi dans la foule stupide qui embrasse bêtement les manipulations des médias occidentaux et, ou bien faiblit dans ses convictions chrétiennes, ou alors reste simplement perdue comme pour supplier : « Entendez-vous et dites-nous qui nous devons croire ». Je fais partie d’une société qui a fait son choix entre la valeur de la personne et celle du profit (et du plaisir) qu’on peut en tirer, entre les sapeurs-pompiers qui bandent la blessure et les médecins qu’on dit « cruels » parce qu’ils tiennent à la nettoyer avant, même si cela fait mal. J’exagère ? Alors, franchement je fais partie de ceux qui ne se rendent pas compte que la société a évolué : qu’on a plus à écouter qui que ce soit, que notre propre conscience nous suffit – celle des terroristes et des pédophiles leur suffit-elle ? mais bon… eux, c’est différent – et que le sexe c’est pour s’amuser et avoir du plaisir, en évitant d’autres conséquences néfastes : les maladies, les grossesses, et même le souvenir d’avoir posé un acte interpersonnel. J’accuse donc le saint Père de continuer de répéter tout haut ce que tout chrétien et tout lecteur de la Bible savent trop bien.
Le SIDA, les ONG et les vrais dessous du problème
Saint Père, il y a des vérités qui nous font mal. Avez-vous vraiment besoin de redire que nous avons inventé le SIDA et que par nos désordres sexuels et nos ambitions de réduire la population mondiale, nous continuons de le favoriser ? Ce sont des choses qui choquent, surtout ceux qui ont la conscience bourrée de leurs dettes envers l’humanité, et les ONG occidentales qui s’enrichissent grâce au marché des préservatifs. Le SIDA, quelle aubaine pour certains, un marché qui fonctionne bien, et vous n’avez pas coopéré. Vous leur enlevez la nourriture de la bouche, comme on dit. Pour les plus sincères, vous leur rappelez qu’ils ont échoué dans leur stratégie condomocentrique. Pensiez-vous qu’ils allaient aimer ça ? D’ailleurs, il y avait assez d’espace dans votre avion pour quelques cartons de préservatifs pour ces pauvres africains pleins de VIH. Que les Français adoptent des positions pseudoscientifiques quant il s’agit de la dignité humaine, on connait leurs incohérences. Ils ont d’ailleurs choisi le jour où 3 millions de citoyens protestent dans les rues contre le gouvernement de Sarkozy pour téléphoner à qui ils voulaient et confirmer la haine envers le Pape ; et certains évêques « à la page » se sont faits l’écho de ces protestations anticléricales, ils sont bien fils du laïcisme français. En plus, c’était bien choisi comme tempo ; on voit qu’ils n’ont digéré ni la réhabilitation de la messe en latin, ni la levée de l’excommunication provoquée par l’un de leurs évêques il y a quelques décennies. La colère des ministres belges nous étonne aussi (exemple ICI) : ont-ils dit à leurs enfants ce qu’ils ont fait des vies de nos pères dans la région des Grands Lacs qui, jusqu’à ce jour, n’a pas écrit des mots de paix dans son vocabulaire ? Les allemands aussi sont révoltés, eux qui aiment tant les étrangers ! Voyons !… Un pape qui connait leurs cauchemars et leurs remords ose pardonner à un évêque négationniste, et partir pour l’Afrique sans ces cadeaux flatteurs qui font qu’on oublie les crimes du passé. Le pape Ratzinger dérange, surtout ceux qui ne le connaissent pas, et ne savent même pas lire les documents de l’Eglise – ou ne savent pas lire tout court - puisque les journalistes devraient s’en charger et tirer les conclusions pour eux. Apparemment, selon les bienfaiteurs du continent noir, Benoit XVI aurait dû venir au Cameroun avec, dans son avion, des cartons de préservatifs, puisque le sexe serait le passe-temps des sous-développés. Quelle négligence criminelle et… négationniste !
Quand l’Occident censure et manipule la réalité
Que l’Occident arrête ses projections et son hypocrisie, car ça ne trompe plus ceux qui, en Europe, aux USA et partout ailleurs, ont de la matière grise entre les deux oreilles. C’est avec les « autres » que ça marche ! De nombreuses statistiques, surtout de ceux qui récoltent les fonds en Europe, montrent que le SIDA fait des ravages en Afrique, que le SIDA est LE problème de l’Afrique, donc il faut de l’argent, et des préservatifs. Et il est clair que depuis qu’ils mènent ce combat, la victoire n’est pas loin, demandez aux scientifiques ! Benoit XVI fait partie de ceux qui affirment qu’il y a des problèmes plus urgents : le paludisme, la faim, la désoccupation, la corruption, la passivité des chrétiens, la mauvaise gestion des ressources et même le manque de témoignage de la part des hommes de Dieu. Et, s’il ne nie pas la gravité du problème, il semble douter des énormes succès que l’usage du préservatif a remporté partout… Mais où exactement ? Aux USA ? en Europe ? En Afrique ? Retrouvez mes références sur le Blog (voir fin de l’article).
En tout cas, Saint-Père, tout cela n’est pas important pour l’Occident : la sensibilisation des comportements, la correction des mœurs, la famille, le palu… des histoires ! C’est le Sida qu’on aime (raconter), l’apocalypse des guerres, ces enfants dévisagés par la guerre (laquelle ?), le terrorisme, la violation des droits de la femme… Voilà ce qui tient les gens accrochés aux téléviseurs et aux publicités qui les nourrissent ; c’est cela qui meut encore le cœur et suscite des fonds pour ces ONG charitables, humanitaires et désintéressées ! C’est ce qui fait vivre les médias et leur personnel. N’allez pas comptabiliser les ONG qui creusent des puits dans nos villages, qui combattent le paludisme, qui promeuvent l’agriculture et implantent des dispensaires et des centres d’éducation de base. Elles se comptent sur les doigts de la main, parce que ça ne rapporte pas grand-chose, contrairement à la « maladie du siècle ». Et les tristes résultats des recherches sur l’efficacité, particulièrement les expériences réalisées il y a quelques années à New York, ils refusent de les publier ; heureusement que l’internet existe. C’était un échec dont les conclusions précisaient bien les contours. Par contre le succès obtenu en Ouganda n’a pas reposé avant tout sur le condom. Les ONG n’avaient aucun intérêt à publier que le préservatif venait en 3ème position dans les mesures adoptées pour éduquer la population, réveiller un sursaut de… conservation, et juguler le fléau. Ce sursaut d’orgueil a sauvé un pays qui montait déjà à 40% de séropositivité dans la population générale, à la fin du siècle dernier. Qui veut-on tromper ? Les naïfs et les pauvres, comme toujours, et ceux qui prennent les « nouvelles » des médias occidentaux pour argent comptant. Bref, vous avez prononcé des mots qu’on ne vous pardonnera jamais. Ne voyez-vous pas que ce sont les ONG qui ont le plus crié au scandale, ainsi que les médias qui sont leur haut-parleurs ?
Quand il y a eu le Tsunami en Asie du Sud-Est, les italiens ont apporté de nombreuses contributions pour aider les sinistrés. Quelques mois plus tard, quel n’a pas été le scandale quand ils ont fait trois découvertes aussi dramatiques l’une que l’autre ; certains des biens envoyés en Asie étaient encore sur le sol italien, pourquoi et pour qui ? Dieu seul le sait. Secondo, 85% de l’argent récolté avait servi pour le personnel (les volontaires !) parti pour aider « gratuitement » les sinistrés, et, chose encore plus abominable, certains de ces humanistes n’étaient autres que des trafiquants d’enfants, pour une besogne que je ne nomme plus. Personne ne nie la contribution de certaines ONG au développement de nos populations, mais qu’on ne prenne pas les gens pour des c…. (pardon, votre Sainteté !). L’Arche de Zoé aussi était un projet humanitaire pour sauver les pauvres enfants tchadiens ? L’Occident a la mémoire courte. Mais votre faute est de remuer ces charbons ardents. Laissez-nous continuer de croire qu’il y a des gens qui veulent le bien de l’Afrique et nous envoient ce qu’ils croient meilleur (pour eux ou pour nous ? je ne sais pas). Et il existe réellement de bonnes gens partout dans le monde. Mais, venons-en au chapitre de la sexualité.
A propos du sexe donc…
Chez nos tontons civilisés, la fécondité est désormais détachée de l’acte sexuel, et bientôt on aura des enfants sur commande. Le plaisir sexuel devient donc l’unique finalité du rapport entre deux corps, même quand ce n’est pas de l’amour mais une masturbation à deux - c’est l’instrumentalisation de l’autre, comme il est de coutume sur la planète du consumérisme. D’ailleurs, plusieurs s’en sortent pas mal avec des gadgets que les sex-shops proposent pour des ébats solitaires. D’autres découvrent qu’on peut s’amuser avec des partenaires du même sexe (seulement aujourd’hui ? Sodome n’est pas d’hier !). Et qui donc va leur reprocher quoi que ce soit, puisque cela relève de leur « vie privée » ? Pour plusieurs – pas tous je crois – c’est juste pour le plaisir, et vous vous entêtez à enseigner aux gens qui vous supportent (encore) qu’on encombre ce plaisir avec des responsabilités, des interdits, des possibilités de fécondation et vos discours vides de bon sens. On est au 21ème siècle.. Réveillez-vous ! Le monde a évolué ! On fait ce qu’on veut, la vie est trop courte (à lire).
Pour vous faire comprendre la gravité de votre enseignement, dénigrer la solution indiscutable du préservatif, comme disait un journaliste français, c’est comme dire aux gens que le port de la ceinture de sécurité n’est pas une solution face aux accidents de la route. Coucou… saint Père ! La ceinture de sécurité permet d’éviter les accidents et de sauver des vies ; personne ne vous écoutera sur vos discours de lois, de codes de la route, blablabla de moralisateurs : laissez-nous respirer !
Le préservatif est notre ceinture de sécurité
Sainteté, j’aime bien cette image de la ceinture de sécurité, même s’il y a quelque chose qui me gène là. Je crois même l’avoir lu quelque part… Ah oui, "Condoms and seat belts : the parallels and the lessons" (The Lancet, 29 Janvier 2000). Bref, je m’explique…
Je suis gêné parce que la plupart des gens qui voyagent ne portent pas la ceinture de sécurité, soit parce qu’ils vont à pieds, soit parce qu’ils voyagent en Bus. Heureusement que les chauffeurs de Bus respectent les lois que tout le monde devrait respecter. Le discours de la « ceinture » ne concerne donc pas tout le monde, et j’espère ne jamais voir des piétons se balader avec. Et pourtant… Le code de la route est fondamental, là vous avez un peu raison. Vous avez raison de redire qu’il y en a de ces lois, dans nos sociétés, et grâce auxquelles je suis encore ici, vivant et heureux de l’être. [Et, en passant, moi je suis fruit de l’amour fidèle d’un couple, et non d’un préservatif, enfin, d’une ceinture de sécurité.] Deuxièmement, la ceinture ne dispense justement pas l’usager de l’apprentissage, du respect des règles de la conduite et du respect des autres qu’on rencontre ou qu’on embarque sur sa route. Et puisque la route tue en Occident comme – on dit que – le Sida le fait en Afrique, n’est-il pas vrai que depuis que les boulevards et les véhicules de gros calibre sont une tentation pour les conducteurs sans scrupules, le port de la ceinture et celui du casque n’empêchent pas que les jeunes se tuent par centaines, au point que là vraiment c’est la cause de mortalité N°1 en Italie par exemple ? Vos détracteurs intelligents proposent qu’on dise donc aux jeunes que parce qu’ils ont le casque, il n’y a plus d’autres règles du jeu ; que parce que vous avez enlacé votre ceinture, vous pouvez écraser l’accélérateur et rouler à tombeau ouvert. Finalement, je me demande si celui qui enseigne qu’on mise uniquement sur le casque et la ceinture n’est pas « le » vrai criminel. Vous voyez que cet exemple risque de vous donner raison. Le journaliste français n’y avait pas pensé ! Et pas seulement à cela ; la ceinture ne s’utilise que lorsqu’on « sort » de chez soi. Vous supposez, saint Père, que le préservatif indique qu’il y a, ou qu’il y a eu, trahison, « sortie ». Si l’on avait suivi les normes qui encouragent à apprécier le « chez soi », du couple plus précisément, puisque c’est là seulement que notre Eglise justifie le sexe – et encore faut-il que ce soit « propre », réciproque, agapè, etc. – on n’aurait pas besoin de se préserver, sauf si quelqu’un a triché…. Et beaucoup de personnes sensées, et mariées, n’ont vraiment pas besoin de se protéger du danger qui, à vrai dire, se trouve davantage dans leur cerveau et entre leurs jambes que devant eux dans la rue.
Le Mea culpa qui ne dit pas son nom
Mais, en tant que prêtre et éducateur, vous connaissez votre troupeau ; vous savez bien que nous « sortons » beaucoup. Et je ne parle pas seulement de ceux qui ne s’intéressent à l’Eglise que pour la dénigrer. Même nous, chrétiens, catholiques, nous « sortons » et, la ceinture semblait nous sauver… la vie. Il y a beaucoup d’accidents dehors, surtout dans certains coins sombres de nos villes et de nos quartiers. N’attendez cependant pas que nous comprenions la fermeté de l’Eglise comme un appel à retourner au message du Christ. Nous laissons les mécréants vous critiquer, comme si c’était Ratzinger/Benoît XVI l’Eglise ; nous nous sommes compromis, soit parce que nous sommes du coté de ceux qui, même à la maison, ont besoin de ceinture de sécurité – ils sont en danger ou ils sont un danger ? – car, disons-nous, « on ne sait jamais ! » Vous avez tort de croire, comme Jésus nous l’a enseigné, qu’on peut encore compter sur la raison humaine, sur l’entente dans un couple, et sur les efforts de tenir une promesse qui donne sens à une vie partagée. Nous vous lançons tout de suite qu’il faut ouvrir les yeux, et aboyer avec les chiens. Traduction : parce que le mal est partout, il devient la règle.
Mes frères et sœurs du troisième millénaire sont évolués, saint Père. Ils pensent que la règle ne dicte plus ce qui est bon que les gens fassent ; même certains de vos prêtres, religieux et religieuses, certains de vos catéchistes et de vos enseignants considèrent, dans leur « réalisme », que c’est ce que les gens vivent qui doit déterminer ce que nous enseignons, pour ne pas perdre le peu de fidèles qui nous restent. Bon, quand on dit le « peu de fidèles », je me demande de quelle paroisse on parle. Que les américains ne chantent pas le Requiem de notre Eglise parce qu’ils deviennent tous protestants, musulmans et Born Again. Le monde est un peu plus vaste que les USA. On sait déjà que plusieurs préfèrent les églises qui évite olympiquement de dénoncer le péché et qui font beaucoup d’argent, de « miracles », de promesses et de politique. Saint Père, si nous continuons à ce rythme, tout le monde risque d’aller chez eux, dit-on. Les gens aiment entendre dire qu’ils sont formidables, que Dieu comprend… que Jésus a pardonné à la femme adultère (Enfin… ne leur ajoutez pas qu’il lui a dit : …ne pèche plus !).
Un américain disait, dans le Blog de celui qui nous encourage à vous destituer, qu’en Afrique on est tellement superstitieux et ignorants qu’on applaudit encore pour des gens comme vous. Comme il parlait dans une rubrique intitulée « Sur la Foi », je n’ai pas bien compris ce qu’il venait faire dans ce Blog, mais il n’était pas le seul. Vos propos ont allumé tant de critiques parce qu’en réalité, ils ont une dimension religieuse. Le préservatif devient une religion dans les mœurs de ceux et celles qui utilisent le corps, le leur et celui des autres – maintenant celui des enfants aussi, dans les régions les plus civilisées de la planète ! – comme un instrument de travail et habituellement, de plaisir. Et comme tout cela ne laisse pas la conscience tranquille, vous avez osé redire ce qu’on savait déjà depuis les précisions que l’Eglise a données à ce sujet, depuis la fin des années ’60 jusqu’à ce jour, avec comme évolutions dans le discours les évidences apportées par les scientifiques pro-life et vos enseignements sur une grande délicatesse – sur ces thèmes – dans l’accompagnement pastoral et sacramentel.
Les Africains se sentent une fois de plus trahis, instrumentalisés
Les Africains ne sont pas dupes, pas tous. Je ne parle pas des Sud-Africains qui brillent par leur imitation servile de l’Occident en termes de permissivité ; eux aussi vous ont condamné ; avec toute la prostitution qui leur rapporte des sous – coté féminin comme masculin – comment remettre en discussion le seul espoir qui reste quand on ne sait plus maitriser ses élans sexuels ? Ils ont aussi évolué de la discrimination raciale – ou presque – vers la xénophobie, comme l’Occident ; c’est déjà un pas en avant. Plusieurs Africains ont compris le jeu de l’Occident quand ils ont attendu des réflexions et commentaires sur votre visite au Cameroun et en Angola, et n’ont entendu que des tourbillons verbaux autour de la position de l’Eglise sur l’usage des préservatifs. Etait-ce là le plus important de votre visite en Afrique ? Pourquoi doit-on toujours parler au nom du monde entier et surtout de l’Afrique, comme si on monopolisait le discours rationnel et l’avant-garde du mouvement humaniste ? Et pourquoi, au minimum, n’a-t-on pas situé vos propos dans leur contexte, Saint Père, et souligné que l’Eglise est libre, si les valeurs de la démocratie ont un sens, d’avoir son opinion – lourdement documentée – sur un thème où des milliers de ses pasteurs (au masculin et au féminin) sont impliqués, et qui affecte ses enfants ? La fureur sur cette question ne trahit-elle pas l’évidente incapacité – manque de volonté politique – de la médecine occidentale à vaincre ce fléau (voir notre sitographie) ?
Saint Père, dites-nous tout
Je voudrais poser une question gênante, mais je terminerai peut-être après cela : quand vous disiez que la simple distribution/vente du préservatif comme solution magique contre le SIDA pourrait d’ailleurs aggraver le problème, avez-vous dit tout ce que vous savez sur cette mascarade ? Je parie que non. De vos propos, moi je comprends trois choses, et je vous prie de rectifier si je m’abuse ; d’abord, que l’illusion d’avoir une « solution » peut effectivement encourager la promiscuité. Avant même les recherches qui vous ont donné raison selon l’échantillon de New York, il suffit de raisonner et d’ouvrir les yeux pour constater que c’est vrai. Au Gabon, Mme Edith Bongo – paix à son âme - s’est d’ailleurs révoltée un jour quand des agents anti-Sida se sont mis à distribuer des préservatifs à des enfants du primaire, toutes classes confondues. Certains, trop jeunes (ou trop « petits ») les ont utilisés comme des pompettes à souffler, sauf que la matière leur semblait un peu récalcitrante et peu gonflable. Très éducatifs, ces messieurs de l’OMS. Aux âmes bien nées, diraient-ils, la valeur n’attend point le nombre d’années. De deux, vos mots peuvent indiquer que les bienfaiteurs de l’Afrique envoient surtout des préservatifs, dont la qualité laisse à désirer – c’est pourquoi c’est gratuit – alors que l’urgence est peut-être, pour les malades, la facilitation de l’accès aux antirétroviraux, et pour la prévention primaire, le dépistage, la sensibilisation cognitive et comportementale, et le renforcement du mariage et de la fidélité comme cadres sécurisants d’une vie sexuelle responsable. Enfin, et là je le dis avec tristesse, vous comprenez probablement mieux que nous, que le SIDA n’est pas une invention africaine ; de nombreux hommes de science proches de l’OMS se sont suicidés mystérieusement, il y a une vingtaine d’années, certains non sans avoir laissé des témoignages selon lesquels cette pandémie faisait partie d’une campagne de « planning » visant surtout le continent noir. Quand je vous entends dire que le préservatif n’est pas la solution au problème du Sida, bizarrement j’entends de nouveau l’exclamation de ce jeune portgentillais qui m’a répondu : « Padre, moi, dernièrement quand je l’ai utilisé, ça s’est déchiré ! » Je me demande aussi pourquoi certains Blogs américains vous ont tout de suite accusé de ne pas avoir compris que la solution aux problèmes de cette Afrique que vous visitez c’est la réduction du taux de natalité ? Il faut qu’on nous dise clairement : ou bien on nous cache que le Sida a été inventé pour décimer les pauvres, et alors on envoie des « solutions » qui ne résolvent pas le problème – que je sache les préservatifs ne soignent pas le SIDA – et peuvent seulement freiner son expansion, ou alors vous avez touché à la pierre qui inflige aussi le deuxième coup : la limitation des grossesses.
Quand on affiche son ignorance au grand jour
En Occident on a l’impression que l’Afrique est surpeuplée – c’est ainsi qu’on interprète la poussée migratoire vers l’Occident -, donc il faut supprimer le « risque » de grossesses. Rien de plus stupide ; c’est comme ces jeunes universitaires qui nous informent ici en Europe que le Cameroun a comme voisins le Brésil et le Kenya ! Quelle connaissance de la géographie ! Et comme tout bon article qui doit toucher les femmes (la plus grande population de nos églises), il faut bien que ces « catholiques américains » dans leurs réactions en ligne - heureusement qu’ils ne sont pas les seuls - concluent que vous êtes misogyne puisque le préservatif « préserve » la femme, et lui restitue cette dignité que votre église refuse de lui accorder. De là à mêler la question à « votre » refus d’élever les femmes au rang sacerdotal, il n’y a que quelques lignes. Bientôt ils démontreront que vous détestez tellement les femmes que vous ne parlez jamais de Marie, la mère du Christ. Je vous aurais prévenu, Saint Père. En attendant, on voit bien dans ce mélange d’idées américaines non seulement la confusion d’une conscience d’un environnement pot-pourri qui se défoule, mais aussi la résurgence d’une haine venue de loin. N’oubliez pas que vous êtes coupable d’être catholique, d’être un supérieur hiérarchique dans un monde efféminé et plat, et en plus, vous êtes d’une nationalité qui a perturbé la conscience de l’Europe durant le siècle que vous connaissez mieux que vos détracteurs, fils de la génération Mai ‘68. A la fin, injures et critiques contradictoires, méli-mélo et absurdités vous trouveront, toujours là, dans ce courage dangereux et cette intelligence provocatrice.
En trois ans seulement, Jésus a fait pire que vous
Je termine, saint Père, en vous rassurant que si vous dérangez, si vous êtes la risée de tant de vos fils et filles catholiques et encore plus de ceux qui ne digèrent pas ce que vous représentez, c’est peut-être, puisque vous aimez bien le mot « fidélité », parce que vous osez être en tout vicaire de quelqu’un qui a dérangé encore davantage. Il disait des choses qu’on ne supportait guère, et pourtant, lui aussi, ses détracteurs aimaient bien l’entendre. À la fin ils lui ont fait la peau. Le sort des prophète obéit à une logique qu’on ne change pas. Comme votre Maitre, vous proposez un idéal dont les plus sincères se reconnaissent simplement incapables : « Qui donc, Seigneur, sera sauvé ? », lui demandaient-ils. D’autres encore, fatigués d’attendre qu’il les caressât dans le sens du poil, le quittèrent ; il s’en allèrent ailleurs peut-être chez des rabbis plus « soft », mais dont le nom s’est perdu dans la mémoire des hommes. L’histoire, je le crains fort pour nous, vos fils et filles, efface irréversiblement les traces de ceux qui baissent trop bas la barre, et cessent d’exiger à l’Homme de montrer ce dont il est capable. Même parmi nos parents, nous ne restons vraiment attachés qu’à ceux qui, avec leurs méthodes certes mais toujours avec amour et courage, nous ont poussés plus haut, plus loin, au-delà de nous-mêmes. Quant à ceux qui nous comprennent trop, qui n’ont que des mots de consolation et point de défis, ils s’en vont comme (si) ils n’ont jamais marqué de leur sceau le modelage de notre personnalité, de nos habitudes et de nos convictions, encore moins de notre histoire. Celui-là que vous représentez nous a demandé l’impossible, car il savait que nous en sommes capables. Il a cru en nous. Il nous a mis en garde contre la concupiscence (« si tu regardes une femme et la désires, tu as déjà péché dans ton cœur »). Enfin il parlait à des hommes capables de relever un tel défi. Il ne s’adressait pas à nous, les « modernes ». Yes, il savait pardonner, naturellement. Mais il n’a jamais érigé l’impureté, l’avidité et l’irrévérence en valeurs. Comme il était intelligent, il a su rester cohérent, et très sensible aux problèmes des personnes. Que je sache, par pitié il n’a jamais dit : c’est normal, tout le monde le fait, l’erreur est humaine, et plein d’autres c… que nous utilisons pour (nous) justifier. Non, Il détestait le mal et allait puiser au fond de la personne des raisons de construire, avec courage, un bonheur qui ne soit pas fruit de compromission, ni de prostitution aux idoles de l’époque. Il nous a aussi enseigné non seulement l’amitié, l’accueil des enfants, le respect de toute femme et de tout homme, mais aussi qu’il y a des choses qu’on n’efface pas d’un simple oui, ou d’un simple non, car elles impliquent un ailleurs qui nous dépasse, et qui nous entraine sur les chemins de l’amour et du pardon, de la vraie compassion et de la miséricorde.
Saint Père, apparemment votre tâche est de nous montrer l’idéal, et vous savez que la route est longue. On nous dit que vous êtes seul, peut-être insuffisamment entouré et rarement tenu au courant de certaines choses. Peut-être ; qu’en sais-je ? Mais je voudrais rendre grâce parce qu’au moins ce travail prophétique qui nous incombe, vous le faites encore, quand bien même nous vous faussons compagnie. De nombreuses familles vous respectent, des milliers de couples vous sont reconnaissants de leur dire qu’ils on raison de continuer le combat, ensemble, sans nier les faiblesses de la chair mais sans renoncer non plus à ce qui a de valeur dans le projet de vie du vrai chrétien. Combien de femmes se contenteront de savoir que l’infidélité de leur mari est moins cruelle simplement parce qu’il utilise la « ceinture de sécurité » ? Ne trouvent-elles pas dans les convictions de l’Eglise sur la fidélité un parfum de bonheur quand il existe d’autres objectifs que ceux de choisir le moindre mal ? Ce n’est pas à vous de dire à ceux qui trahissent, qui se prostituent ou qui violent comment le faire, ni comment éviter de laisser des « traces » de leurs actes. Avec l’amour, comment faire « comme si » rien ne s’était passé ? Vous n’êtes pas choisi pour donner des solutions aux pépins où la faiblesse humaine nous conduit. D’autres le font, même de votre Eglise, prenant parfois des décisions à la place de ceux qui n’en ont plus ni la force, ni la volonté. Vous faites votre travail, et je me demande si nous faisons le nôtre, nous les parents, les éducateurs, les amis, les communicateurs, les directeurs spirituels.
Vos pasteurs et vos chrétiens veulent adoucir le ton
Quand vous enseignez qu’il faut établir la justice en Afrique, respecter le bien commun, refuser la corruption… pourquoi ne vous dit-on pas aussi que vous proposez des « solutions angéliques » comme lorsque vous demandez qu’on respecte le lien de la fidélité et de la pureté ? Est-ce à vous de préciser que puisque ce que vous demandez est difficile, que les voleurs soient prudents, que les corrupteurs fassent un effort et ne retirent de l’argent qu’à ceux qui en ont assez, etc. ? C’est ce que certains pasteurs relativistes et sans moelle épinière de votre Eglise – oui, eux qui devraient dire ce que vous dites, et faire face aux injures que vous essuyez à leur place – attendent. Que vous reconnaissiez qu’il y a du sexe partout et qu’il faut dire aux jeunes : Bon, comme vous ne pouvez pas (vous êtes des incapables, je sais), au moins soyez intelligents. Allez-y donc, Saint Père, mais n’oubliez pas de préciser aux voleurs d’être prudents s’ils ne peuvent s’abstenir ; dites aussi aux racistes que ce ne sont quand même pas tous les étrangers qui sont méchants, et qu’il faut savoir qui mérite le respect ; dites aux jeunes que s’ils ne peuvent pas respecter le code de la route et ses signaux routiers, qu’ils serrent bien leur casque et profitent des plaisirs de la vitesse. A nos chefs d’Etats, que devriez-vous dire ? Arrêtez de piller vos pays – mais pour nous, pasteurs, c’est trop radical. Dites-leur de le faire intelligemment, et de partager quand même avec les autres ce qu’ils détournent. Dites à ceux qui torturent de ne pas exagérer, ou en tout cas qu’ils utilisent un peu d’anesthésie quand ils torturent les opposants ou les journalistes. Ne leur dites pas d’arrêter, voyons, réveillez-vous, tous les dictateurs le font. Vous vivez dans votre monde à part, on dirait que vous ne connaissez pas l’être humain. Encore une fois, le monde a évolué, saint Père, certains prêtres et certains évêques pensent que vous devez suivre le monde, si vous voulez qu’on vous écoute. A propos de « vivre avec son époque », j’espère que mes confrères prêtres engagés dans la pédophilie en France, aux USA et en Grande-Bretagne trouveront une meilleure façon d’être à la page et de suivre l’exemple de cette société dévergondée, enfin…évoluée. Et d’ailleurs, si vous dites tout haut ce que tout le monde sait, nous risquons, comme le chante Judas dans JC Superstar, de perdre nos privilèges. Toute vérité est-elle bonne à dire ?
Je conclus : vous n’êtes pas seul à avoir « tort »
Vous comprenez maintenant pourquoi, Sainteté, j’ai mal à la tête car je sais pourquoi vous avez tort, et pour quel motif vous dérangez. Et, franchement, ayant un peu étudié les lois du comportement humain, comme éducateur de jeunes je pense que je veux avoir tort avec vous. Je choisis de faire partie de ces fous qui demandent trop à l’homme d’aujourd’hui, non pas parce qu’ils le connaissent mal ou lui veulent du mal, mais parce que le véritable ami, frère et père, est celui qui sait rire et se réjouir avec l’autre, et qui sait aussi, quand il le faut et vaille que vaille, lui dire : Ecoute, là tu déconnes ! Au nom de l’amitié…. Je vous rejoins parce que je sais que malgré tous ces défauts et ces erreurs qu’accumule votre casier judiciaire, surtout aux yeux des médias corrompus et télécommandés par leurs sponsors pseudo-philanthropes, ce que vous faites ressemble étrangement à ce que je lis chaque jour dans le casier judiciaire de l’obscur charpentier de Nazareth dont vous êtes le vicaire, n’en déplaise aux sans-foi-ni-lois. Dans quelques jours nous entendrons la Passion ; comment il fut tantôt applaudi, tantôt honni par la foule, et à la fin, condamné par les prêtres et crucifié par des soldats de l’empire « occidental » d’alors. Si l’histoire se répète, je veux être du côté de celui qui a tort parce qu’il voit l’invisible, parce qu’il demande trop à l’être humain, parce qu’il ose prononcer – et vivre - des paroles qui choquent, sans laisser d’être vraies.
Bon Chemin de Croix
Filialement vôtre, en Christ
Père Alphonse Owoudou, le 22 mars
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