Christianisme
28/01/2009
Rome, mercredi 28 janvier
Lors de l’audience, le pape a précisé que le retour des intégristes ne pourra se faire contre Vatican II, dénonçant vivement tout discours négationniste
Le pape devait parler. Devant la violence des réactions suscitées par la levée de l’excommunication des évêques intégristes, et les propos de l’un d’eux niant la Shoah, c’était devenu inévitable. Benoît XVI s’est donc exprimé mercredi 28 janvier, lors de l’audience générale hebdomadaire.
Il l’a fait sur les deux points, mais en les distinguant soigneusement : d’abord, il a précisé que la levée de l’excommunication pour les évêques de la Fraternité Saint-Pie-X (FSSPX) ne signifiait pas, de soi, le retour à la pleine communion du mouvement intégriste, et qu’elle ne pouvait se faire que dans le respect de l’enseignement du Concile.
Ensuite, il a rejeté fermement tout propos négationniste à l’encontre de la Shoah, exprimant une solidarité « pleine et indiscutable » avec « nos frères destinataires de la Première Alliance », c’est-à-dire le peuple juif.
Face à une triple critique
Les rabbins italiens, puis américains, ont exprimé leur profond regret à ce sujet. Mardi soir, le grand rabbinat d’Israël a annoncé la rupture de ses relations avec le Saint-Siège et son intention d’annuler la rencontre avec la Commission pontificale pour les relations avec le judaïsme, prévue à Rome du 2 au 4 mars. Déjà l’an dernier, cette réunion annuelle n’avait pas eu lieu, à cause de la mise à jour de la prière du Vendredi saint dans le Missel de saint Pie V. Ces nouvelles tensions interviennent alors qu’un voyage de Benoît XVI en Terre sainte est à l’étude.
L’Osservatore Romano a eu beau jeu de publier une série d’articles affirmant l’intangibilité des positions catholiques vis-à-vis de la Shoah, tandis que le Vatican mettait en ligne sur YouTube les discours du pape concernant l’extermination des juifs par les nazis, en particulier à la synagogue de Cologne et à Auschwitz. C’était insuffisant, tant le sujet reste sensible, sans compter ce que la presse allemande appelait hier « le péché originel » d’un pape dont la nationalité d’origine reste en arrière-plan.
« Nous attendons les éclaircissements du Saint-Siège »
Mais, a immédiatement noté l’ambassadeur d’Israël près le Saint-Siège, Mgr Fellay ne condamnait pas le négationnisme en soi et se contentait d’utiliser l’adjectif bien faible d’« inopportun ». « Nous attendons les éclaircissements du Saint-Siège, au plus haut niveau », a déclaré le diplomate. Une demande à laquelle est donc venue répondre la ferme condamnation de tout négationnisme par le pape mercredi matin, l’évocation du « massacre atroce de millions de juifs » et aussi du devoir de mémoire.
Autre front préoccupant pour Benoît XVI, en interne cette fois, de la part des catholiques eux-mêmes. L’ampleur de l’émotion au sein de l’Église, exprimée par les évêques et relayée dans les médias en Allemagne, Suisse et France, a surpris Rome. Elle avait été sous-estimée ici, où l’on n’a pas l’habitude de voir les évêques prendre leurs distances aussi explicitement.
Le pape a fixé le cadre
Que la Fraternité intégriste, dans un communiqué au ton polémique, continue à faire part de ses « réserves » quant au dernier concile, n’était pas pour rassurer. Là encore, les propos du pape mercredi sont clairs. Il a fixé le cadre : un « service de l’unité » auquel il s’est engagé, a-t-il rappelé, dès le début de son pontificat. La levée du décret est un acte de « miséricorde paternelle », mais, a bien précisé Benoît XVI, elle devra être suivie de gestes de la part des intégristes, qui ne peuvent remettre en cause ni l’autorité ni du pape, ni celle du Concile, mises donc au même niveau.
Voilà qui devrait enfin rassurer au Vatican même. Car – et c’est le troisième front –, depuis quelques jours, des voix de plus en plus fortes se faisaient entendre au sein de la Curie pour critiquer la méthode choisie dans cette affaire par le cardinal Dario Castrillon Hoyos, président de la Commission pontificale Ecclesia Dei.
Une partie particulièrement complexe
La partie est particulièrement complexe, car il faut tenir compte de divisions entre les intégristes eux-mêmes : si l’un des quatre évêques faisait sécession – et ce risque avec Mgr Williamson est réel –, le fragile édifice bascule, car il aurait derrière lui une partie des prêtres, peu disposée à rentrer dans l’Église catholique.
D’où la volonté de la commission Ecclesia Dei de faire très vite. Avec le risque de passer outre [à] des valeurs désormais « non négociables » pour l’Église catholique : Vatican II, ainsi que le dialogue avec le peuple juif. Mercredi matin, le pape a donc rappelé la ligne jaune que l’on ne pouvait décidément pas franchir.
[Texte aimablement signalé par l'abbé René Arbez.]
M. MacinaMis en ligne le 29 janvier 2009, par
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