Fin Novembre, les premiers morts de froids. Ceux du bois de Vincennes et ceux qui ne tarderont pas à mourir d’ici peu là ou ailleurs. Il y a peu j’étais à Strasbourg et les bancs des arrêts de tramway était occupés par cette misère. Elle est encore visible. A Paris, elle se réfugie dans les bois environnants. Car c’est cela aussi Paris.
Est-il possible que chaque année ce scénario macabre se répète. Que l’on retrouve ces visages défaits par la fatigue, l’alcool et la misère sans que rien ne puisse se faire.
Certes, la Croix-Rouge, le Samu social, les associations diverses et variées font des efforts louables et c’est fantastique.
Des bénévoles consacrent des heures de luttes épuisantes pour aider et secourir ces indigents que la société nomme pudiquement SDF. Mais tous, vous diront que cela revient à poser un cautère sur une jambe de bois.
J’avais écris un poème il y a deux ans (Mis en bas après la note) sur ce problème gravissime. Est-il anormal d’espérer que dans un pays comme le nôtre il soit impossible d’imaginer des actions plus curatives.
Est-il anormal d’imaginer que l’on pourrait consacrer un effort budgétaire plus conséquent et à long terme pour mettre en place une politique forte afin de combattre cette indigence.
Ces hommes et ces femmes doivent être aidés y compris contre eux-mêmes si le besoin s’en fait sentir.
Pour autant, ils ont besoin d’humanisme et de chaleur. Mais cela ne veut pas dire laxisme et tiédeur. Ce n’est pas porter atteinte aux libertés que d’offrir la possibilité de sortir de la spirale infernale de la misère subite.
Je suis choqué de voir des bénévoles obligeaient de « négocier » leur aide et que les réponses de ces indigents restent les mêmes.
- La peur du Centre d’hébergement.
- le refus du compagnon (souvent le chien, source de chaleur et d’affection).
- les vols dans les Centres.
- les bagarres.
- La sortie obligatoire à 6 heures de matin. Rejetés en quelque sorte dans la rue.
Est-il impossible d’imaginer la mise en place de structure à échelle humaine et individualisé à l’année avec un programme de réinsertion dans la société et le monde du travail ?
- De mettre en place un programme adapté en fonction du degré de dépendance aux addictions diverses ?
- De tenter, avec la personne, de retisser des liens avec la famille si cette famille existe encore ?
- De mettre en place des programmes d’apprentissages d’un métier pour ceux qui n’en n’ont pas ou une remise à niveau pour ceux qui en ont un ?
- De se tourner vers des entreprises pour faciliter la réinsertion ?
Bref, de recoller des morceaux de vie éclatée par le temps et la vie.
Alors oui, il y a sans doute un problème d’éthique de la liberté! Doit- on mettre en place des obligations à ces personnes d’intégrer ces lieux d’accueil et de réinsertion si toutefois ils devaient exister ? Je le reconnais.
Mais alors, devons-nous les laisser mourir de froid et de faim chaque année ?
Sommes-nous obliger d’assister à la condescendance des médias larmoyants sur la misère des rues ? Entre deux canapés au saumon ou au caviar et autres verres de champagne.
Pour ma part, je crois que non ! Même si je vais encore passer pour un naïf ou un dirigiste ou pire encore.
Ce qui se passe chaque hiver dans nos rues et dans notre pays est immoral. Point final.
Gérard Brazon
Poème de 2006:
Tu vas crever
Je vous ai vu ce matin. Accoudé.
Vous étiez là, déjà vieux, fatigué
J'ai vu ce regard. Votre regard vous savez!
Si loin, profondément absent, comme étranger
Encore, une de plus! Une incontournable journée.
Péniblement vous disiez: "Une autre journée"
Longue, interminable, vide et sans intérêt
A regarder l'inaccessible...
A imaginer l'impossible...
Souvenirs en bribes.
Il y a longtemps. Une vie, perdue à jamais.
Si longtemps et pourtant. Vous aussi vous étiez...
Comme ceux qui passent et vous ignorent désormais.
Qui défilent peureux, honteux, le regard baissé.
Ils vous évitent comme on évite un danger?
Un étron? L'anachronisme? Se questionner?
Mais oui! Vous aussi, oui, vous avez existé
Elle est partie l'insouciance. Crevé un matin.
Partie dans un rêve. Dans un verre de chagrin.
Un chagrin, ou un drame impossible à noyer
Une peine sans nom. Au plus profond enfermée
Dans les vapeurs d'alcool. C'est ça, évaporée
Dans la fumée des cigarettes, oubliée.
Nouveau nom, des S.D.F. vous êtes appelé!
Clochard, vagabond. Misérable identité...
Perdu votre nom. Et nul ne vous reconnaît.
Ombre sur un trottoir. Une honte de société.
La parole engluait, déjà vous vacillez.
Incompréhensible monologue abreuvé.
Quel avenir? Vous la voulez la vérité?
S.D.F. Sans domicile fixe. Tu vas crever!
Un soir d'hiver. Au soleil, un beau jour d'été.
Une froide nuit d'hiver. La "Une" de la Télé.
Discours habituels et regards apitoyés.
Le grand classique d'hiver et de nos soirées.
Pitoyable, minable écoeurant à gerber.
Tu vas crever. Tout le monde t'auras ignorer.
Salut à toi mon frère. Mon ami, l'étranger.
Gérard Brazon
Rédigé par : |