Réconciliation sans oubli
Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants, a présidé hier les cérémonies du 64e anniversaire du massacre d’Oradour-sur-Glane. Sa condition de « ministre alsacien » conférait un caractère particulier à sa présence.
Oradour.- De notre envoyé spécial
C’est la première fois que Jean-Marie Bockel se rendait dans les ruines du village martyr d’Oradour-sur-Glane où, par une journée aussi ensoleillée que celle d’hier, 642 civils, dont 246 femmes et 207 enfants, ont été massacrés le samedi 10 juin 1944 par la division de Waffen SS “Das Reich”. Quatorze Alsaciens, dont treize incorporés de force et un volontaire, ont participé à cette « bouffée meurtrière ». Sur les dix Alsaciens victimes de la tuerie parce que réfugiés dans le Limousin, neuf étaient originaires de Schiltigheim. C’est pourquoi Jean-Marie Bockel a souhaité avoir à ses côtés le maire de Schiltigheim, Raphaël Nisand, et le député de la circonscription, André Schneider. Dix ans après la réconciliation entre l’Alsace et le Limousin engagée par les maires d’Oradour, Raymond Frugier, et de Strasbourg, Roland Ries, fils de “malgré nous” (*), Jean-Marie Bockel a tenu à participer aux commémorations du 10 juin. « Parce que, par mes origines, je suis sensibilisé au versant alsacien de la tragédie d’Oradour. Mais au-delà, je souhaite une présence gouvernementale régulière pour marquer le souvenir d’un drame dont la dimension est universelle ; il n’appartient pas au passé, comme le montrent les comportements humains dans de nombreuses régions du globe ».
«L’histoire et ses drames nous obligent à la fraternité» Avant le pèlerinage dans les rues dévastées d’Oradour et le dépôt de gerbes devant le monument dédié aux victimes, au cimetière, Raymond Frugier a exprimé au ministre la « gratitude des familles des martyrs » pour la présence d’un membre du gouvernement et s’est félicité que « le nécessaire dépassement d’une réalité si douloureuse ait permis de renouer le dialogue entre deux régions victime d’une idéologie perverse. Puisse ce village anéanti, assassiné, se dresser toujours plus haut devant la conscience humaine. L’histoire et ses drames nous obligent à la fraternité », a conclu le maire d’Oradour. Évoquant les incorporés de force alsaciens, « eux-mêmes victimes de la barbarie nazie qui avait fait d’eux des auxiliaires du crime », Jean-Marie Bockel a dit que « rien ne pourra jamais justifier leur participation à ces terribles exactions. La réconciliation, ce n’est pas l’oubli. J’appelle de mes voeux une mémoire apaisée autour de ce crime monumental qui divisa notre pays. J’invite les jeunes générations à connaître les moindres détails de cette tragédie nationale ».
Claude Keiflin
(*) La ville de Strasbourg était représentée par le colonel Aziz Méliani, conseiller municipal. Étaient également présents le maire de Lembach, Charles Schlosser, l’historien Eugène Riedweg, et une délégation de patriotes réfractaires (Praf-Géral), conduite par les présidents du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, Pierre Peru et René Epp.
Édition du Mer 11 juin 2008
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