«Notre objectif était de créer une crise afin de susciter une prise de conscience de la communauté internationale», explique Éric Breteau
Une semaine après sa sortie de prison, Eric Breteau a accordé lundi un entretien au Figaro, dans lequel il revient sur l'évacuation manquée de 103 enfants depuis le Tchad, règle quelques comptes et annonce la parution imminente d'un récit écrit en captivité.
Comment avez-vous réagi aux nombreuses critiques qui ont suivi votre arrestation au Tchad ?
J'ai été outré, scandalisé par les propos mensongers qui ont été tenus à l'époque, notamment par Rama Yade, la secrétaire d'Etat aux Droits de l'homme. Elle est allée devant l'Assemblée nationale pour prétendre qu'elle n'était pas au courant de notre opération, qu'elle a qualifiée d'«illégale» et d'«irresponsable». Je suis donc résolu à porter plainte contre elle pour diffamation ainsi que pour atteinte à la présomption d'innocence, car elle s'est montrée indigne de sa fonction. Par ailleurs, je publierai d'ici la fin mois un récit écrit en captivité, qui paraîtra chez Plon et s'intitulera : L'Arche de Zoé, les dessous d'une affaire d'Etats. Dans ce livre, j'explique pour la première fois en toute liberté l'origine de notre opération et je dévoile les appuis politiques dont nous avons bénéficié en France jusqu'à ce que nous soyons complètement lâchés après notre arrestation, le 25 octobre.
Justement, quels sont ces soutiens dont vous vous êtes souvent prévalu ?
Tout d'abord, il faut dire qu'on ne peut pas organiser une telle opération sans bénéficier de soutiens politiques haut placés. En l'occurence, j'ai été reçu par le conseiller politique de Bernard Kouchner, qui a trouvé l'idée très intéressante. Puis, je suis allé voir un conseiller de Nicolas Sarkozy a qui j'ai remis un dossier complet et qui m'a dit: «Banco, on va envoyer Cécilia Sarkozy». Par ailleurs, j'avais reçu un «feu vert» officieux du ministère de la Justice. Il était même prévu que, le 25 octobre, Cécilia Sarkozy et Rachida Dati se déplacent en personne pour accueillir les 103 enfants à l'aéroport de Vatry. Pour moi, il est donc clair que l'Etat fançais était parfaitement informé de nos intentions.
Vous avez pourtant été mis en garde lors de votre interrogatoire à la brigade des mineurs, au coeur de l'été 2007.
C'est faux. J'ai effectivement été invité à présenter notre projet, ce que j'ai fait bien volontiers mais jamais je n'ai été mis en garde. Au demeurant, je ferai observer que, si on voulait m'empêcher de passer à l'acte, il était très simple de me faire mettre en examen et placer sous contrôle judiciaire puisque j'avais commencé à récolter de l'argent auprès des familles d'accueil.
Quel était le but originel de votre opération ?
Ce n'était pas un rapatriement organisé pour notre plaisir ou pour celui de quelques familles. En montant cette opération, nous avons voulu dénoncer haut et fort la passivité des autorités internationales sur le drame du Darfour. Certains pays, comme la France, loin d'être neutres dans ce conflit, sont en réalité conplices, comme ils l'ont été au Rwanda. Notre objectif était de créer une crise afin de susciter une prise de conscience de la communauté internationale. Contrairement à ce qui a été dit, il s'agissait d'une opération parfaitement légale et légitime, parce que conforme à la Déclaration universelle des droits de l'homme et à la Convention de Genève.
Regrettez-vous certaines erreurs dans la façon dont vous avez procédé ?
Forcément, avec l'expérience, il y a sans doute des choses que je ferais mieux aujourd'hui mais dans le contexte, j'ai plutôt le sentiment qu'on a été «au taquet». Tous les gens qui se sont impliqués dans ce projet, en particulier mes cinq compagnons de détention, ont fait preuve d'un grand courage et d'un grand professionnalisme.
Certains d'entre eux, comme Dominique Aubry, viennent de se désolidariser de vous. Comment le prenez-vous ?
C'est dur, bien évidemment, de voir le groupe exploser mais je peux le comprendre. Avec toute la pression médiatique, certains doivent se sentir seuls et même s'ils sont costauds, il est tout à fait compréhensible qu'ils craquent. Aujourd'hui, mon contrôle judiciaire m'interdit d'entrer en contact avec eux. C'est très difficile de ne plus pouvoir leur parler après tout ce temps passé ensemble mais j'ai bien l'intention de me battre pour eux, afin de livrer enfin notre vérité jusqu'à ce qu'on soit blanchi des ignobles accusations qui ont été formulées contre nous. Pensez qu'en comptant toutes les personnes qui ont travaillé sur ce projet, ainsi que les 260 familles du réseau d'accueil, ce sont près de 600 personnes qui ont été traînées dans la boue et calomniées.
Aujourd'hui, vous êtes libres mais vous devez encore 6,3 millions d'euros aux parties civiles ? Comptez-vous payer ? Trouveriez-vous normal que la France garantisse le paiement de cette somme ?
Je n'ai aucunement l'intention de payer. Par ailleurs, si la France paie, je trouverai ça dégueulasse. On dépense déjà beaucoup pour alimenter les caisses des chefs d'Etat africains. Dans cette affaire, il n'y a pas de parties civiles identifiées. On sait donc que les 6,3 millions d'euros, s'ils sont versés, vont aller dans les poches d'Idriss Déby.
Quels sont vos projets pour l'avenir ?
En prison, je recevais chaque jour entre 10 et 30 lettres de soutien. Je crois donc que l'Arche de Zoé rencontre beaucoup plus d'écho aujourd'hui qu'il y a quelques mois. Mieux, il me semble que l'association est sortie renforcée de cette crise, de même que Greenpeace était sorti renforcé de l'attentat mené contre le Rainbow Warrior. En conséquence, j'entends continuer à mener le combats pour sensibiliser l'opinion à ce qui se passe au Darfour. Comme je ne peux plus le faire sur le terrain humanitaire, puisque mon contrôle judiciaire me l'interdit, je n'exclus pas de me lancer en politique en transformant l'Arche de Zoé en parti.
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