Le mythe de 1967 Cette semaine, nous souhaiterions attirer l’attention de nos lecteurs sur la question de la restitution par Israël de la totalité du plateau du Golan en contrepartie de la paix avec la Syrie. L’hypothèse d’un nouveau bluff syrien destiné à laisser entendre que la solution pour parvenir à la paix est dans les mains d’Israël existe, mais il ne s’agit pas cette fois d’une rumeur démentie par Jérusalem.
Ehoud Olmert a déclaré la semaine passée qu’il travaillait à une « initiative importante » pour la paix avec Damas. Dimanche 20 avril, Bachar El-Assad indiquait que des « parties amies déploient des efforts pour engager des contacts entre la Syrie et Israël ». Recept Tayyp Erdogan, le Premier ministre turc, joue déjà le rôle de médiateur et a informé officiellement le Président syrien de la « disposition de M. Olmert à un retrait total du Golan… »
Si la paix avec la Syrie représente un intérêt stratégique évident pour la stabilité de la région, il n’en reste pas moins que les discours rémanents sur le retour aux frontières de 1967 ont contribué à créer un mythe géopolitique, le principe de l’échange des territoires contre la paix, qui serait le fondement, la condition sine qua non de la paix et de la stabilité dans la région.
Faire la paix avec la Syrie… Comme les enjeux sont nombreux et importants en effet. Damas joue aujourd’hui le rôle d’intermédiaire et de rassembleur du terrorisme. Entre Téhéran et le Hezbollah libanais, la Syrie est un point de passage stratégique pour le déploiement du terrorisme. Sans oublier que Damas abrite les leaders du Hamas et du Djihad islamique, deux organisations palestiniennes qui prônent la disparition d’Israël. La Syrie est aujourd’hui la meilleure alliée de l’Iran, que les Occidentaux veulent à tout prix isoler sur le plan international. Le Président Sarkozy rappelait jeudi 24 avril qu’il ne parlerait pas avec le Président Ahmadinejad parce qu’il déclare vouloir rayer Israël de la carte. Il en fait une question de principe.
Il y a urgence à empêcher la Syrie de continuer à exacerber les tensions au Moyen Orient. En basculant dans le camp des pays modérés, Damas ne pourrait plus jouer le rôle de passeur d’armes, et pourrait s’engager à ne plus tenter de construire des centrales nucléaires, à soutenir le Hamas, le Hezbollah, à cesser ses intrusions mortelles dans la vie politique libanaise… On sait aujourd’hui que le réacteur nucléaire détruit par Israël en septembre 2007 devait être actif quelques semaines plus tard…
Essentielle, la paix avec la Syrie présente pourtant des risques. Le Golan, conquis par Israël en 1967 et annexé par une loi fondamentale votée à la Knesset en 1981, est d’abord un immense réservoir d’eau dans une région semi aride. Il alimente en eau le lac de Tibériade qui fournit 40% des réserves d’eau aux Israéliens. Haut plateau, on dit que celui qui le contrôle, Israël ou la Syrie, menace l’autre mortellement. En outre, la Syrie est encore un régime autoritaire et militaire. Que vaut la signature d’un traité de paix avec un voisin qui a tout d’un dictateur ? Le Président syrien résistera-t-il à la pression anti américaine des Islamistes ? Renoncera-t-il à attirer des pays aujourd’hui alliés des Etats-Unis comme l’Egypte, la Jordanie, l’Arabie Saoudite, dans le camp des pays « frondeurs » que la Syrie forme aujourd’hui avec l’Iran ?
Avant de négocier des territoires « contre » la paix, ce sont d’abord des garanties qu’il convient d’exiger. Le mythe du retour aux frontières de 1967 auquel la Syrie prétend n’a pourtant pas fondé ou justifié les différents accords et traités conclus entre Israël et ses voisins.
L’expérience de la paix israélo-égyptienne est devenue une légende parce qu’elle s’inscrivait dans la légende. Les images de Sadate à la Knesset et celles de Begin devant les pyramides n’ont pas seulement mis un terme à un conflit ouvert de trente ans entre Israël et l’Egypte, elles avaient une symbolique toute biblique. Esclaves, les Hébreux avaient fui l’Egypte de Ramsès. Libres, les Israéliens firent la guerre puis signèrent la paix avec la République arabe d’Egypte. La signature de la paix entre la Jordanie et Israël n’aura pas permis au royaume hachémite de retrouver sa souveraineté sur Jérusalem Est. Enfin, l’expérience du désengagement de Gaza au profit de la paix avec les Palestiniens est un échec patent. A la fois pour la cohésion d’un futur Etat palestinien et pour la sécurité d’Israël. Les violences inter palestiniennes et les milliers de Qassam qui tombent sur le Néguev en sont le triste symbole.
Le retour aux frontières de 1967 ne signifie pas le retour à la paix. Au contraire. En 1967, les tensions et les menaces étaient quotidiennes, le risque réel de voir Israël disparaître. Serge Gainsbourg composait alors « Le sable d’Israël » et des vedettes françaises s’engageaient dans Tsahal. La guerre des Six Jours avait permis de faire comprendre au monde une vulnérabilité que les Israéliens ne pouvaient plus assumer. 40 ans plus tard, les termes du contrat n’ont pas vraiment changé.
Et si Israël se contentait de signer la paix avec la Syrie en échange du Golan, les Syriens quant à eux ne s’en contenteraient pas. Le ministre syrien des affaires étrangères, Walid Mouallem, n’a-t-il pas déclaré à l’occasion de sa visite à Téhéran que les possibles négociations avec Israël « ne doivent pas influer sur le volet palestinien des négociations, ni être utilisées pour renforcer le blocus sur Gaza et continuer l’agression israélienne contre le peuple palestinien » ?
Le Golan a passé pourtant davantage d’années sous administration israélienne que syrienne. Le président syrien continue d’en faire une « affaire d’honneur et de dignité ». Si Ehoud Olmert poursuit les négociations avec la Syrie, que l’honneur et la dignité d’Israël portent les noms de Guilad Shalit, Ehoud Goldwasser et Eldad Reguev.
Ce soir, nous pensons aux familles des trois soldats d’Israël enlevés par le Hamas et le Hezbollah, retenus en otage depuis 671 jours.
Chabbat Shalom,
A la semaine prochaine,
Guy Senbel
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