Le 8 juin 2004 , fut déposé dans la crypte de la Basilique de Saint-Denis, le coeur de Louis XVII. Ultime rebondissement mystère de l'enfant du Temple, les analyses ADN avaient tranché à 99,99%. Evanouis les prétendants innombrables dont le plus connu fut assurément Naundorff. La légende est détruite par la Science qui pour une fois met d'accord entre eux chroniqueurs et historiens, encore une preuve que l'Histoire est riche en rebondissements. L'enfant roi, pauvre petit martyr de la révolution, a retrouvé les dépouilles de ses parents, le "Chou d'Amour" de Marie-Antoinette a fait le lien entre Louis XVI et Louis XVIII. Il manque encore Charles X, Henri V, et les Angoulême: Madame Royale soeur de Louis XVII et son époux toujours inhumés à Castagnavizza près de Goritz. Au passage, j'espère que les descendants de Naundorff, escroc notoire ou mythomane utilisé, ont effacé de la tombe de celui-ci à Delft, l'inscription Louis XVII Duc de Normandie, né en 1785 à Versailles ......
Il nous faut remonter dans le temps, le futur Saint-Denis disciple de Saint-Paul, évêque d'Athènes est envoyé évangéliser les païens de Rome, puis de Lutèce. C'est dans cette dernière ville qu'il subira le martyre au sommet de la Butte Montmartre vers 250 - 280, les chroniqueurs ne sont évidemment pas d'accord. Denis fut inhumé dans un cimetière gallo-romain près du village de Cattoliacus, qui deviendra Saint-Denis. Pour la petite histoire Saint-Denis aurait marché la tête sous son bras du lieu de son supplice à celui de son inhumation (?) Reléguant David Copperfield au rang d'amateur, mais ce footing d'un genre spécial valait bien une canonisation ....
Le culte de Saint-Denis sera reconnu au Vème siècle, Une église est érigée sur le lieu de sa sépulture vers 475, grâce à Geneviève, Sainte patronne de Paris. Les pierres de la future Basilique sont installées.
Pour l'Histoire, le véritable fondateur de Saint-Denis fut Dagobert 1er, "le bon roi Dagobert" qui dès 630 agrandit et embellit le sanctuaire. Les reliques de Saint-Denis bien à l'abri dans une châsse somptueuse, Dagobert en homme pratique, crée la fameuse foire de Saint-Denis qui permet d'augmenter considérablement les revenus de la communauté religieuse. Le roi Dagobert sera le dernier Mérovingien inhumé à Saint-Denis en 639, avant lui son arrière grand-mère la reine Arégonde vers 580, et son père Clotaire II avaient choisis eux aussi de reposer au sein de ce lieu, future nécropole royale.
L'habitude étant prise Charles Martel fondateur de la dynastie Carolingienne et père de Pépin le Bref rejoindra ses prédécesseurs Mérovingiens en 741. Succédant à son père en tant que Maire du Palais, Pépin le Bref sera élu roi en 751 et sacré à Saint-Denis en 754, avec sa femme Berthe au grand pied et son fils Charles âgé de 15 ans. Le roi Pépin III entreprend la construction d'une nouvelle église, mais le souverain meurt en 768. C'est son fils Charlemagne qui termine la nouvelle Basilique consacrée en 775. Sa mère la reine Berthe rejoindra son époux en 783. Charlemagne "l'empereur à la barbe fleurie" malgré son désir de reposer à Saint-Denis, sera inhumé à Aix-la-Chapelle, capitale de son empire, politique oblige....
C'est Charles le Chauve, petit fils de Charlemagne, qui franchira une nouvelle étape en 867 en prenant le titre d'abbé laïc de Saint-Denis, (les premiers Capétiens, Hugues Capet de la branche des Robertiens en tête reprendront ce titre) désormais l'Abbaye royale se verra entourée d'une enceinte de pierres et de bois, le bourg ainsi créé pendra le nom de la Basilique, Charles II sera enterré en son abbaye en 877.
Les invasions normandes seront le théâtre de scènes de pillage de l'Abbaye et du village de Saint-Denis. Petit à petit la Basilique tombe en ruines, les rois l'oublient, c'était sans compter avec la dynastie des Capétiens qui redonnera aux lieux saints une importance qui grandira au fil des siècles pour en faire la nécropole exclusive des rois de France.
Saint-Denis devient "la" Basilique royale, le rôle joué par cet édifice est aussi bien politique que spirituel, renforçant la légitimité et le pouvoir des souverains français.
Au décès de Hugues Capet en 996 jusqu'à la fin de l'ancien régime, la crypte de Saint-Denis reçoit tous les rois Capétiens. Seuls trois souverains feront exception: Philippe 1er, Louis VII et Louis XI, inhumés respectivement à St Benoit de Loire, à l'abbaye de Barbeau et à Notre-Dame de Cléry. La tradition du sacre se perpétuera à Reims, mais c'est Saint-Denis qui gardera précieusement les insignes royaux: les Regalia (couronne, sceptre, épée, main de justice et l'anneau symbolisant l'union entre le souverain et son peuple), ainsi que l'oriflamme déposé entre deux guerres.
Saint-Louis ordonne de réservée la nécropole aux seuls rois et reines couronnés, les enfants royaux doivent eux être inhumés à Royaumont. Cette coutume sera abandonnée à l'avènement des Bourbons qui étendront à tous les membres de la famille royale, et même à certains grands serviteurs du royaume, l'honneur de reposer dans la Basilique.
C'est au moyen âge qu'apparaissent les premiers gisants, interdits jusqu'alors par l'église. Les rois et les reines sont représentés les yeux ouverts. En 1245, Saint-Louis (encore lui) commande des gisants à la gloire de ses prédécesseurs de façon à mieux cultiver la mémoire royale.
Au début du XIVème siècle, la crise du logement s'installe au centre de Saint-Denis, les Valois vont donc investir les chapelles latérales, ainsi les trois Charles V, VI et VII, demandent à être inhumés dans la chapelle St Jean Baptiste au sud-ouest .
Et puis la Basilique va accueillir quatre tombeaux de dimensions colossales, celui de Charles VIII tout d'abord réalisé dans un métal précieux et représentant le roi priant à genoux (la révolution le détruira), le tombeau de Louis XII et de sa chère Anne de Bretagne décrit par un chroniqueur:"en forme de catafalque, avec aux angles les quatre vertus cardinales: la force, la tempérance, la justice et la prudence". Le tombeau de François 1er et de Claude de France, qui délaissée et trompée tout le long de son union avec le roi a du apprécier de le retrouver sage et calme à son côté pour l'éternité, ce tombeau donc est en forme d'arc de triomphe. Le dernier enfin abritant Henri II et Catherine de Médicis est un chef d'oeuvre du Primatice, magnifique temple orné des quatre vertus cardinales, agrémenté de priants de bronze. Cette oeuvre voulue grandiose par Catherine une fois veuve sera rapidement achevée après la mort de la reine mère, c'était à l'origine un monument dédié à la mémoire de son époux tendrement aimé, quoique sacrément infidèle. Il est aujourd'hui disséminé en plusieurs lieux, mais faisait à l'origine 30 mètres de diamètre.
l'avènement des Bourbons, Saint-Denis conserve définitivement son statut de nécropole royale, où tous les membres de la famille du roi sont inhumés. Mais le pouvoir absolu étant établit les souverains n'accordent plus la même importance politique à la Basilique. Sous le règne de Louis XIV, Colbert grand homme politique mais assez lèche bottes avec son souverain, propose l'édification d'une chapelle des Bourbons. Le projet est rejeté par le Roi Soleil (bien fait) qui va même plus loin en supprimant le titre d'abbé et en octroyant les revenus de Saint Denis à la maison d'éducation de Saint-Cyr (fondée par Madame XIV, Marquise de Maintenon).
De nombreux travaux aussi inutiles que sacrilèges font disparaître au XVIIIème siècle certains joyaux de l'architecture de ce magnifique édifice. Notamment Soufflot, afin d'agrandir l'accès à la Basilique fera détruire vingt-trois statuts, y compris celle de Saint-Denis. Mauvais goût, que de crimes on commet en ton nom....
Fini les gisants et autres tombeaux gigantesques. Les Bourbons reposent dans une crypte, et c'est dans des cercueils posés sur des tréteaux que leurs corps embaumés dorment de leur dernier sommeil (le coeur des rois embaumé également est généralement déposé au Val de Grâce). Il est vrai que ces rois de Henri IV à Louis XV préfèrent aux gisants de leurs aïeux des statuts érigées au grand jour pour leur plus grande gloire et l'admiration de leur peuple. Seul un monument commémoratif subsiste, il est très émouvant et dédié à la mémoire du roi martyr Louis XVI et son épouse si souvent et parfois injustement décriée la malheureuse reine Marie-Antoinette.
e ne peux terminer cette page sur la Basilique de Saint-Denis sans évoquer les évènements terribles de la révolution, qui au cours de différentes orgies profanatrices des 6 au 8 août et du 12 au 25 octobre 1793, verront sous le couvert et après décision du gouvernement en place, la destruction de nombreux tombeaux et l'exhumation de ces rois qui ont fait la France et croyaient reposer en paix pour l'éternité. 46 rois, 32 reines, 63 princes et princesses et 10 grands serviteurs verront leurs corps profanés dans une hystérie abjecte, mais il fallait bien occuper le peuple afin qu'il ne réalise pas trop tôt qu'il n'avait toujours pas de pain.
Successivement entrepôt ou hôpital militaire, la Basilique manque de disparaître. Napoléon voulut un temps en faire le tombeau des empereurs ... Mais avec le mauvais goût qui a toujours caractérisé ce parvenu voulant s'attribuer des lettres de noblesse, le gâchis fut tel, que la révolution nous semble moins cruelle avec les vieilles pierres de la nécropole....
n 1815, Louis XVIII réhabilite la Basilique, retrouve les restes de son frère Louis XVI et de son épouse dans le cimetière de la Madeleine.... Un Magistrat royaliste du nom de Desclozeaux avait farouchement préservé les restes des souverains, en plantant des saules et des cyprès autour du lieu de leur sépulture. Il les rendit à leur fille Madame Royale lors de la première restauration. On raconte que Marie-Antoinette était reconnaissable grâce à sa mâchoire qui lui donnait cet air soi-disant méprisant de son vivant, la fameuse lippe des Habsbourg....Nous sommes loin du sourire entrevu par le fantasque Chateaubriand. Les dépouilles de Mesdames tantes Victoire et Adélaïde sont également retrouvées (?) pour ces deux là, l'occasion de se rendre utiles en servant la monarchie était une première, ce n'est pas un secret que les filles de Louis XV, bigotes à la sècheresse de corps et de coeur proverbiales, d'une incommensurable bêtise ont souvent desservies la cause royale. On rapatrie même le corps de Louis VII qui dormait tranquillement à Barbeau. Enfin les différents ossements royaux, à nouveau exhumés sont transférés dans l'ossuaire de la crypte. Le 25 octobre 1824, le roi Louis XVIII viendra rejoindre ses pairs à Saint-Denis au cours d'obsèques que n'aurait pas désavoué l'ancien régime.
Ainsi s'achève la tumultueuse histoire de la Basilique Saint-Denis. Elle est aujourd'hui l'un des lieux les plus visité de France. Elle reste la plus belle et la plus majestueuse Basilique de notre patrimoine. Entrez dans la nécropole, dans le silence imposant et magique de l'endroit, venez vous recueillir en rêvant qu'ils sont tous là, ces hommes et femmes illustres. Alors comme dans un générique du grand Sacha Guitry, regardez les s'avancer tout resplendissant de leur gloire et de leur magnificence passées.
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